Tunisie, 31 oct (APS) – Le court métrage « 5 Etoiles » de la Sénégalaise
Mame Woury Thioubou, projeté mercredi à la Cité de la culture à Tunis,
dans le cadre de l’édition 2019 des Journées cinématographiques de
Carthage (JCC, 26 octobre-2 novembre), traite de « la désillusion de
l’exil », en amenant subtilement les émigrés à se rendre compte de leur
propre précarité pour mieux en parler.
Le film met en exergue la vie de migrants africains à Lille, en
France, et veut amener ces « sans-papiers » à se rendre compte que
« l’Europe n’est que le début du calvaire » pour eux, après avoir bravé
le désert et la mer pour arriver dans l’Hexagone.
« Le film ne dit pas aux jeunes africains de ne pas partir, mais ce que
je veux qu’ils sachent », c’est que l’Europe « ne va pas être la fin du
calvaire. Car l’Europe n’est que le début d’un nouveau combat », a
déclaré la réalisatrice.
Mame Woury Thioubou dit s’être toujours interrogée sur les motivations
de ces jeunes qui choisissent de délaisser le continent africain pour
l’Occident. Sa démarche cinématographique l’amène ainsi à un
questionnement sur le périple de ces jeunes migrants à travers le
désert du Sahara pour ceux venant du Mali ou de la Guinée.
Elle en vient naturellement à évoquer les monstruosités subies par les
migrants de la filière libyenne, marqués par la difficile expérience
de la traversée de la méditerranée.
Ce calvaire, loin de connaitre son épilogue une fois en Europe, ne
fait que commencer en réalité.
La réalisatrice donne la part belle aux protagonistes du film qui
analysent eux-mêmes leur situation de précarité. Sa caméra insiste sur
les visages, les pieds, mais surtout leur « 5 Etoiles », une ancienne
usine insalubre squattée par ces migrants.
Mame Woury rend compte de leurs difficiles conditions de vie de leur
combat pour une certaine « dignité » face au racisme ordinaire et à
l’humiliation quotidienne.
Le sujet traduit aussi, par sa référence à l’histoire, une manière de
rappeler que la problématique de la migration n’est pas un sujet
nouveau et a marqué et transformé la vie de toutes les sociétés
humaines.
Mame Woury Thioubou illustre ce point par un focus sur la statue de
Faidherbe, l’un des artisans de la colonisation au Sénégal et qui est
vu à Lille comme une figure positive célébrée à place de la
République, dans cette métropole française où des « sans-papiers »
manifestent chaque semaine.
A travers cette démarche, la réalisatrice interpelle aussi les
Français et les invite à se regarder dans le miroir.
« Ce mouvement que les migrants font, Faidherbe l’a déjà fait en venant
chez nous sans autorisation. Aujourd’hui que nos jeunes veulent aller
en Occident, on leur impose des barrières. Je veux aussi que les
Français puissent se voir et se remettent en question », explique la
réalisatrice.
Le court métrage « 5 Etoiles » a été bien accueilli par le public
tunisien à l’occasion de cette première mondiale aux Journées
cinématographiques de Carthage (JCC).