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A Thiès, l’INEFJA entame sa modernisation


  6 Janvier      274        Société (45064),

 

Thiès, 5 jan (APS) – Dans la fraîcheur matinale, à la sortie de la ville de Thiès, le long de la route et à quelques encablures du village de Diassap, se dresse le mur de l’Institut d’éducation et de formation des jeunes aveugles (INEFJA) qui fait face à une broussaille de l’autre côté de la voie. Loin des bruits du centre-ville, ici seuls le ronronnement des véhicules qui passent et les chants sporadiques d’oiseaux déchirent le silence.

L’endroit était idéal pour implanter, en 1982, cette structure d’enseignement pour malvoyants.

Dans la cour, quelques filles et garçons se dirigent par petits groupes vers la sortie. En ce 4 janvier, décrétée Journée internationale du braille et coïncidant avec l’anniversaire de la naissance de Louis Braille, l’inventeur de cette méthode d’écriture, il n’y a pas cours à l’INEFJA.

Les élèves ne fêtent pas la journée, mais ce sont plutôt les enseignants qui ont déserté les classes, pour se solidariser de leur collègue tué à Ndiaffate, dans la région de Kaolack (centre).

Dans son bureau niché au fond d’un bâtiment retranché à l’intérieur de la grande cour de l’INEFJA, Sacoura Guèye, le directeur, retrace avec emphase l’histoire de cet institut, qui se confond avec celle du braille au Sénégal.

C’est d’ici qu’est partie l’expérimentation de cette méthode d’écriture, qui, aujourd’hui, commence à étaler ses tentacules dans le reste du pays, à travers les classes dites inclusives.

En 1972, des membres de l’Union nationale des aveugles du Sénégal (UNAS) prennent part à Madrid au deuxième congrès quinquennal du Conseil international des éducateurs de personnes handicapées visuelles. Parmi les retombées de cette participation, la signature d’une convention sous l’égide du ministre des Affaires sociales de l’époque, Coumba Ndoffène Diouf, pour l’introduction du braille au Sénégal, raconte Sacoura Guèye.

Deux ans plus tard, une formatrice arrive au Sénégal, où elle initie trente enseignants bacheliers à la méthode braille, un mode d’écriture en relief, lu au toucher par le malvoyant, explique-t-il.

Ils constituent la première génération d’enseignants qui porta cet enseignement très particulier et qui se perpétue aujourd’hui encore. Parmi les précurseurs, il cite Youssou Faye, qui a codifié en braille, six langues nationales, dont le wolof, le sérère, le pulaar et le mandingue.

Des débuts pas du tout repos

Les débuts n’ont pas été de tout repos, et jusque récemment, les pensionnaires de cet institut se faisaient entendre par des grèves ou marches pour réclamer de meilleures conditions de vie et d’études.

C’était devenu rare jusqu’à récemment. Il y a quelques jours, un mouvement d’humeur a été écourté suite à une diligence record.

En moins d’une journée de grève des élèves, l’inspecteur d’académie leur avait présenté les ordres de services des enseignants qu’ils réclamaient pour des cours de renforcement.

Ces dernières années, l’Etat a décidé d’une véritable reprise en main de l’institut. A l’entrée à droite, un bâtiment à un étage dont les travaux sont presque finis.  Il comporte huit salles de classe, une salle de réunion et une salle informatique, indique le directeur qui semble être arrivé au bon moment.

« Le président de la République fait énormément d’efforts pour l’institution », tient-il à souligner.

L’édifice trône comme le symbole de la volonté de réhabilitation et de modernisation de la structure, affichée depuis deux ans, par les pouvoirs publics. Un premier pas qui prépare l’extension du centre pour augmenter sa capacité d’accueil.

L’augmentation des salles est corrélée à l’extension des dortoirs de l’internat qui constituera la deuxième phase de cette réhabilitation, annonce-t-il.  L’institut ambitionne de passer de 160 pensionnaires aujourd’hui à plus de 200 à moyen terme.

« Chaque année qu’on organise les tests de recrutement, les élèves viennent de partout, de Kolda, Ziguinchor, Matam, etc. L’idéal, c’est d’enrôler le maximum d’élèves possible ».

Cette nouvelle ère rompt d’avec ce que l’institut avait connu jusque-là, confirme Mor Talla Diop, secrétaire du foyer des jeunes de l’INEFJA, instance dirigeante à l’origine des mouvements d’humeur qui avaient régulièrement rythmé la vie de la structure par le passé.

Des projets à profusion

L’école qui bénéficie désormais d’une plus grande sollicitude de l’Etat, grouille de projets. Cela se traduit par « une nette amélioration, il faut le reconnaître », s’enthousiasme le jeune malvoyant, élève en classe de première au lycée Jules Sagna. Les toilettes qui étaient devenues « presque impraticables » ont été réhabilitées en 2021, en période de Covid, raconte-t-il. Tout comme les dortoirs des filles et des garçons.

L’année dernière, l’institut a reçu un quatrième bus, venu renforcer le parc automobile qui assure la navette vers les cinq établissements scolaires où s’inscrivent les élèves après l’obtention du CFEE, le Certificat de fin d’études élémentaires.

Dans le cadre d’un système intégré, les élèves logent et mangent à l’INEFJA, mais à partir du moyen, ils vont suivre leurs enseignements dans les collèges Ousmane Ngom, Amadou Coly Diop et Idrissa Diop, ainsi que les lycées Malick Sy et Jules Sagna.

Dans une perspective de modernisation, les autorités ont lancé le chantier de l’informatisation, pour que les apprenants ne soient pas laissés en rade par le train du numérique.

L’ONG STM a déjà formé des enseignants à l’informatique adaptée, pour qu’à leur tour ils puissent initier les jeunes élèves.

Dans la salle informatique, Abdourahim Diallo, un des enseignants qui ont suivi cette formation, fait une petite démonstration de cette méthode d’informatique adaptée. Elle permet, explique-t-il, aux malvoyants, d’utiliser les claviers classiques des ordinateurs, en se servant, comme repères, des traits en relief, sur les touches F et J.

Le braille se porte bien

« Le braille se porte bien à l’INNEFJA » et sur le plan national, se réjouit le directeur. Du fait de la politique d’éducation inclusive, beaucoup d’académies du pays prennent en charge les enfants déficients visuels à travers des écoles inclusives.

L’INEFJA travaille avec un projet belge présent dans les académies de Ziguinchor, Kaolack, Saint-Louis et Thiès.

Le ministère de l’Education nationale, avec le projet Sightsavers, a aussi ouvert des écoles inclusives à Kaolack et Louga. Au Sud, le projet « Faire l’école » est appuyé par l’agence de coopération italienne.

« La spécificité (du braille) est liée au fait que le matériel fondamental ne se vend pas au Sénégal », regrette M. Guèye. Il provient de l’étranger, de la France ou de la Belgique, notamment.

Avec le temps, les menuisiers locaux arrivent à « tropicaliser » certains articles, comme les poinçons et le papier braille, relève-t-il. Les tablettes, quant à elles, doivent toujours être importées.

La signature du Traité de Marrakech en « phase finale »

« Au moment où nous parlons, nous attendons des cubes arithmétiques et des tablettes qui vont arriver dans dix jours de la France », annonce-t-il, relevant que depuis quelque temps, les choses bougent.

Au terme d’une visite le 12 novembre dernier à l’INEFJA, le ministre de l’Education nationale, Cheikh Omar Anne, et son DAGE avait demandé à l’institut de faire une expression de besoins.

Concernant un plus grand accès aux matériels didactiques, les élèves malvoyants doivent prendre leur mal en patience, le temps que le processus de ratification du Traité de Marrakech soit bouclé par l’Etat du Sénégal.

Sa ratification par le Sénégal lui donnera l’autorisation de reproduire en braille des ouvrages, sans s’exposer à des poursuites pour violation de la propriété intellectuelle.

La conseillère spéciale du président de la République pour les personnes handicapées avait révélé, le 7 juin dernier lors d’un atelier, que le dossier, à « l’étape finale », était « sur la table du [chef de l’Etat] qui ne va pas tarder à le signer », rapporte le directeur.

Pour satisfaire le besoin des collégiens et lycéens malvoyants de lire les œuvres intégrales, les autorités ont signé le traité, dit-il. Il précise toutefois que la ratification et la signature sont deux étapes différentes. Se montrant très optimiste, il se dit convaincu que « d’ici peu de temps, ce sera un mauvais souvenir ».

Un projet de bibliothèque sonore

En attendant la ratification du Traité de Marrakech, huit enseignants travaillent à l’installation d’une bibliothèque sonore à l’INEFJA, dans le cadre d’un projet de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

Ils transcrivent en braille et documents sonores des ouvrages avec l’autorisation de leurs auteurs respectifs. Le projet qui devait se terminer en décembre, a été prolongé.

L’insertion des diplômés malvoyants reste « une préoccupation majeure » pour les élèves, même si selon le directeur, des efforts sont faits dans ce sens. Il cite l’affectation à l’INEFJA de cinq enseignants, anciens élèves de la structure INEFJA, dans le cadre du recrutement par l’Etat de 5000 enseignants.

D’autres sortants des filières techniques de l’institut se regroupent en Groupement d’Intérêt Economique (GIE) et bénéficient de l’appui de l’Office National de Formation Professionnelle (ONFP), dit-il, précisant que sous ce rapport, « il y a un changement de paradigme ».

Mor Talla Diop se soucie de son emploi après les études. Il souhaite plus d’efforts en termes d’insertion.

« C’est vrai que ce sont des efforts à saluer, mais c’est très minime, comparé au nombre de postulants », dit-il.

A propos de la ratification du Traité de Marrakech, il souhaite que les choses soient « accélérées ». « C’est des choses qui ne peuvent pas attendre, parce qu’elles ont un rapport direct avec les études », plaide-t-il.

Aux environs de midi, un bus quitte l’INEFJA, avec à son bord des lycéens et des collégiens, pour se diriger vers le centre-ville.

A bord, des casse-croûtes sont distribués dans une ambiance bon enfant où les jeunes pensionnaires glosent sur divers sujets d’actualité, dont le récent combat de lutte entre Balla Gaye et Boy Niang.

« Désormais, chaque fois qu’ils verront Boy Niang, les habitants de Guédiawaye devront lui tirer le chapeau », lance l’un d’eux.

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