AGP Dialogue national : le président Oligui Nguema échange avec les membres du bureau AGP Gabon : Bientôt un recensement des biens de l’Etat AGP Coopération Gabon-France : un forum économique en perspective APS SENEGAL-PRESIDENTIELLE / Bassirou Diomaye Faye reçu en audience par Macky Sall MAP Afrique du Sud: Zuma exclu des prochaines élections (Commission électorale) MAP La CAF annonce les dates des finales de la Ligue des Champions et de la Coupe de la Confédération MAP Afrique du Sud: 45 morts dans un accident d’autocar au Limpopo APS SENEGAL-ITALIE-TRANSPORTS / ITA Airways va inaugurer en juillet une ligne Rome-Dakar APS SENEGAL-ENVIRONNEMENT / Bonne amélioration des taux d’accès à l’eau et à l’assainissement (expert) ANP Signature de convention entre le Niger et la Société WAPCO Niger pour un programme de formation de talents à Southwest Petroleum University de Chine

Cissé Yaya (entrepreneur) : « Mon parcours, d’apprenti gbaka à chef d’entreprise » (Interview portrait)


  22 Septembre      78        Entreprenariat (257),

 

Abidjan, 22 sept 2022 (AIP)- Rien ne le prédisposait au secteur du transport. Et pourtant… Par passion, avec abnégation et aussi sérieux dans le travail, il est passé d’apprenti Gbaka à chef d’entreprise exerçant dans le domaine du transport urbain. Cissé Yaya, 42 ans (né en 1980 à Boundiali), avoue que bien que confronté aux difficultés, il réussit grâce à son attachement au transport et aussi à la chance que lui a donné le gouvernement à travers le projet de renouvellement du parc auto des transporteurs en 2014.

AIP : Vous êtes aujourd’hui chef d’entreprise, mais c’est l’aboutissement de tout un parcours qui a commencé par une vie d’apprenti gbaka. Comme êtes-vous devenu apprenti gbaka ?

Cissé Yaya : Après le décès de mon père en 2004 je me suis lancé dans le secteur du transport pour me prendre en charge ainsi que mon petit frère en classe de CP1. J’ai arrêté l’école en classe de 3ème et j’ai choisi ce secteur parce que j’aimais d’abord. Rien ne me prédisposait à ce secteur, car mon père étant un conseiller municipal, et ma mère, une ménagère. Ma famille était plutôt dans les travaux champêtres.

Avec l’accord de ma mère qui a accepté que j’abandonne les salles de classe, je suis venu à Akoupé chez mon grand-père où j’y étais apprenti « de Kia ». Ensuite j’ai obtenu mon permis de conduire après six mois de formation.  Grâce à un mon oncle, je suis arrivé à Abidjan, où j’ai été apprenti gbaka dans un premier temps, bien qu’ayant mon permis de conduire. Je voulais apprendre d’abord dans le milieu urbain qui diffère de l’environnement rural, avant de me lancer dans la conduite. J’ai fait un an, en tant qu’apprenti.

Ensuite mon oncle m’a confié la gestion de ces deux véhicules. Malheureusement un des véhicules à pris feu quelque jours avant mon mariage. Et mon oncle n’a plus voulu continuer dans ce secteur. Il m’a ainsi laissé la gestion du mini car restant. J’ai décidé de  le vendre et me lancer dans les taxis-compteurs.

AIP : Pourquoi ce choix ?

Cissé Yaya : Au fait, je voulais quitter ce milieu (des gbakas), trop trempé dans la violence à mon goût, pour m’investir dans celui des taxis-compteurs.  Les chauffeurs de gbaka ont malheureusement mauvaise presse, on les trouve trop brutaux, et ils s’attirent beaucoup de malédictions. Moi, un petit villageois avec une éducation assez stricte, je ne me retrouvais pas dans ce milieu. Je me suis retrouvé par hasard à conduire le véhicule d’un grand frère.  J’ai ramené, le premier jour, en plus de la recette, 7000 F CFA. Ce frère m’a ensuite confié la conduite et la gestion du taxi d’un de ces frères.

AIP : Comment est venue alors l’envie de créer une entreprise de transport ?

Cissé Yaya : La création d’une entreprise de transport s’est un peu imposée à moi en 2010. Avec un véhicule, j’ai gagné plus de trois millions FCFA en un an. Après la crise de 2010, mon “patron” a décidé de me confier la gestion totale du taxi plutôt qu’à son grand frère me trouvant plus sérieux. Pour le lancement de notre initiative qui va devenir une entreprise, il m’a fixé comme objectif d’avoir au moins trois autres véhicules en plus avant la fin de l’année. Ainsi avec les deux véhicules j’ai pu acquérir grâce  à un genre de « contrat bail » avec un concessionnaire libanais, trois autres véhicules. J’ai travaillé et versé à petits acomptes pour l’achat des véhicules. Quand je suis arrivé à m’acquitter de la moitié du prix des engins, le concessionnaire m’a livré les véhicules. Je suis ainsi devenu propriétaire de cinq véhicules. Ensuite je me suis retrouvé à gérer, sans être propriétaire, des véhicules d’autres personnes portant « mon parc auto » à 20 véhicules. Cela devenait un peu important j’ai donc embauché mon petit frère pour la comptabilité, une dame pour les encaissements. J’ai été sollicité par un agent de la Banque africaine de développement (BAD) pour le transport des enfants des agents, j’ai dû donc gérer une trentaine de voiture, me retrouvant ainsi à 70 à 80 véhicules et travaillant avec une administration.

Le ministre Touré Mamadou à l’époque secrétaire d’Etat pour la jeunesse et parrain de la cérémonie de récompense de mes meilleurs chauffeurs, m’a conseillé et encouragé à me constituer en entreprise en 2015. J’ai donc déclaré la société au Centre de promotion de l’investissement en Côte d’Ivoire (CEPICI) sous le sigle ETCP (Entreprise de transport Cissé et partenaire).

AIP : Il y a-t-il eu quand même des difficultés qui auraient pu vous détourner de votre objectif ?

Cissé Yaya : Vraiment la plus grande difficulté est la perte de près de 30 véhicules, qui ont vu leur moteur « bousillé » du fait d’une vidange mal réalisée dans une station-service.  Je ne parvenais plus à tenir mes engagements. Même avec l’aide d’un frère qui m’a donné 10 millions  F CFA pour refaire les vidanges des véhicules, je n’ai pas pu réparer les véhicules, les moteurs étants totalement détériorés.  Avec cet évènement intervenu en 2019, j’ai failli abandonner mon rêve et toutes mes ambitions, je pensais à la fermeture de l’entreprise et je me suis refugié à Boundiali.

AIP : Et comment vous avez pu rebondir jusqu’à ce jour ?

Cissé Yaya : Je dois mon salut au gouvernement. Refugié à Boundiali, j’apprends un jour que 100 millions ont été viré sur mon compte. J’ai d’abord cru à une anarque et je n’y croyais pas. J’ai vérifié et c’était vrai. En effet j’ai reçu la somme de 100 millions mais pas en espèce, mais en nature. Il s’agissait d’un fonds de 10 véhicules que l’Etat concédait à des entreprises du secteur du transport pour changer le visage et l’image du transport urbain. Vraiment cette initiative était la bienvenue, elle m’a sauvée. J’ai reçu le 10 octobre 2017 à l’hôtel de ville du Plateau, 10 véhicules. C’est ce fonds remboursable sur 36 mois qui m’a permis de me relancer. Aujourd’hui je suis à 35 véhicules.

AIP: Après les moments de tourmente, quelles sont aujourd’hui vos perspectives ?

Cissé Yaya : Aujourd’hui j’aspire à avoir un garage moderne pour les véhicules pour ne plus recourir à une sous-traitance, la leçon de 2017 étant pris encrée en moi. Je  veux avoir tout au sein de mon garage. Ma propre station pour l’approvisionnement en carburant, mon propre lavage-auto. J’ai un chantier du genre qui est en cours, j’espère finir dans les prochains mois.

Tout comme le ministre du Transport qui veut qu’on fasse du transport une institution qui demeure bien après la mort des initiateurs, je souhaite que le secteur du transport soit bien structuré. J’ai donc suivi les conseils du ministre.

J’ambitionne que mon entreprise soit le transporteur spécial taxi-compteur de la Coupe d’Afrique des nation (CAN) en 2024, et prévoit aussi créer des sièges à Yopougon, à la Palmeraie (Cocody). On veut aussi s’installer à l’intérieur du pays notamment à Korhogo, à Bouaké, Yamoussoukro, San-Pedro.

AIP : Quelles sont vos attentes vis-à-vis de l’Etat ?

Cissé Yaya : Tout d’abord je voudrais saluer l’Etat pour tous ses efforts tant pour l’amélioration des conditions de travail des transporteurs que pour les infrastructures routières. Ce qui je souhaite c’est que l’Etat veille à la formation des chauffeurs avec par exemple un partenariat avec l’Office de la sécurité routière (OSER). Il faut que les chauffeurs soient formés tant sur l’accueil des clients, la sécurité routière, la mécanique. On attend aussi une régularisation du secteur avec la concurrence déloyale qui s’intensifie à  travers les VTC (véhicule de transport avec conducteur) qui ne payent pas les mêmes taxes que les autres taxis-compteurs. Également les chauffeurs doivent avoir une formation continue, un recyclage sur les nouvelles technologies tel que les radars.

AIP : De votre avis quelles sont les aptitudes du bon gérant de taxi-compteur ?

Cissé Yaya : Le bon gestionnaire de transport, ne doit exercer que dans ce domaine. Il doit abandonner tous et ne consacrer qu’à cela. Des personnes achètent des véhicules et les confient à des chauffeurs et ne peuvent pas avoir des retombées. Il faut que la gestion d’un taxi-compteur soit confiée à un professionnel. Un bon gestionnaire du transport ne doit pas être un amateur et doit connaitre son travail, il faut qu’il fasse du transport son métier.

AIP : En tant que jeune entrepreneur, avez-vous des conseils pour la jeunesse ?

Cissé Yaya : Je veux dire à mes jeunes frères ivoiriens de croire en leur pays, de ne pas aller se faire tuer dans l’eau, qu’ils aiment ce qu’ils font, il faut avoir une vision, il faut percevrez, il faut être honnêtes en toute chose. On a un beau pays, il faut croire en la Côte d’Ivoire.

Tiémélé Danielle

Dans la même catégorie