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L’ambassadeur de l’Inde présente les enjeux de la transformation locale de la noix de cajou en Côte d’Ivoire (Interview)


  30 Mars      452        Agriculture (4121),

 

Abidjan, 30 mars 2022 (AIP)- La filière anacarde occupe environ 400 000 producteurs et représente la troisième source de devises du secteur agricole, derrière le cacao et le caoutchouc naturel en Côte d’Ivoire, selon la Banque mondiale.

Côte d’Ivoire, classée première puissance économique d’Afrique de l’Ouest est le leader mondial de noix de cajou, avec une production exportée de l’anacarde brut de 805 748 000 T. Elle est le premier pays transformateur de la noix de cajou en Afrique et le troisième dans le monde en 2021 avec 136 854 T transformées. En 2021, le pays a obtenu 14% du taux de transformation de sa production de noix de cajou, tout en ambitionnant d’atteindre la barre des 50% d’ici à 2025.

Vu que la coopération de la Côte d’Ivoire avec ce pays qui fut longtemps premier producteur, transformateur et consommateur mondial de la noix de cajou s’est renforcée, l’ambassadeur de l’Inde en Côte d’Ivoire, Sailas Thangal, révèle, dans une interview accordée à l’AIP, les grands axes de la coopération indo ivoirienne et donne des pistes de solution pour une transformation locale de l’anacarde.

AIP : Pouvez-vous nous faire l’exégèse de la coopération Inde – Côte d’Ivoire dans le secteur de la noix de cajou ?

Ambassadeur : En réalité, la production de la noix de cajou en Côte d’Ivoire a été boostée notamment par les négociants indiens. Pourquoi ? Il faut savoir d’abord que l’industrie de la transformation de la noix de cajou en Inde à plus de 100 ans d’existence. L’entreprise Cajou India, qui existe depuis très longtemps, a toujours encouragé la production, la transformation et la commercialisation de la noix de cajou. Quant à la culture à grande échelle de la noix de cajou en Côte d’Ivoire, elle n’a commencé que dans les années 90. Mais la production du pays a augmenté de manière exponentielle au point que la Côte d’Ivoire a rapidement pris le pas sur l’Inde, ancien leader de la production de noix de cajou brute. Alors les premiers négociants indiens qui ont débarqué en Côte d’Ivoire ont été séduits par les amandes de cajou de bonne qualité. L’activité s’est avérée mutuellement bénéfique.

Les acheteurs indiens trouvaient un marché stable et de qualité, tandis que les producteurs étaient assurés d’être mieux payés dans les délais. Quand les négociants indiens sont arrivés en Côte d’Ivoire, ils n’ont pas eu recours aux intermédiaires, mais sont allés directement bord champs. Actuellement nous sommes dans la période de la campagne de la noix de cajou, si vous sillonnés toutes les régions qui produisent la noix de cajou (Bondoukou, Daloa et autres) vous allez justement rencontrés ces négociants indiens de partout.

Il leur a été attribué ce surnom, « les négociants à la mallette ». Autrefois, les producteurs rassemblaient leurs récoltes pour confier aux structures coopératives afin de les vendre et ensuite attendre un certain temps avant d’entrer en possession de leur dû. Contrairement à cela, les négociants avec des mallettes rentrent directement en contact avec les producteurs et achètent bord champs les produits à des prix très intéressants. C’est à juste titre que le premier vice-président et directeur nationale du géant industriel OLAM, Partheeban Theodore a déclaré : « le visage de l’industrie de la noix de cajou en Côte d’Ivoire a changé grâce à la liquidité apportée par les acheteurs indiens ». La noix de cajou joue donc, un rôle très important, dans le partenariat commercial entre la Côte d’Ivoire et l’Inde.

AIP : Quel est alors le montant des investissements de l’Inde dans le secteur de la noix de cajou en Côte d’Ivoire ?

Ambassadeur : Le montant des investissements privés de l’Inde dans ce secteur s’élève à 118 millions de dollars. Aujourd’hui de nombreux négociants sont décidés à franchir le pas et à devenir des partenaires de choix dans la chaîne de valeur de la noix de cajou, en créant des unités de transformation en Côte d’Ivoire. Ainsi, 42 millions de dollars d’investissement soit 21 milliards FCFA ont déjà été attirés par les hommes d’affaires indiens, dans le domaine de la transformation locale. Selon les estimations, près de 90% de la noix de cajou cultivées en Côte d’Ivoire est exportée vers l’Inde et le Vietnam pour être transformée.

AIP : Quel est le rang mondial que l’Inde occupe dans la production, la transformation et la commercialisation de la noix de cajou ?

Ambassadeur : Pour commencer, il faut savoir que l’Inde était le premier producteur, transformateur et consommateur de la noix de cajou. Aujourd’hui l’Inde n’est que le plus grand consommateur de la noix de cajou. Entre 2016 et 2017, la Côte d’Ivoire est passée à la première place de producteur de noix de cajou au plan mondial. En 2019-2020, le Vietnam est devenu le plus grand transformateur de la noix de cajou. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est le premier producteur et le premier exportateur mondial de la noix de cajou brut. Quand le Vietnam est devenu le premier transformateur, il a commencé à importer environ 80% de la production ivoirienne.

Il est important que vous sachiez que la plupart des grands acteurs dans l’industrie de la noix de cajou sont les indiens. Jusqu’en 2017 les plus grands acteurs dans le domaine de la noix de cajou étaient les indiens. Aujourd’hui, les négociants indiens qui viennent en Côte d’Ivoire acheter les noix de cajou, préfèrent exporter le produit vers le Vietnam plutôt que vers l’Inde, à cause des avantages concernant les droits de douanes au Vietnam. Mais le Vietnam n’est pas un grand consommateur de la noix de cajou. Le produit y est importé pour la transformation, ensuite exporté. Il faut retenir que les Indiens demeurent les plus grands et importants acteurs dans le secteur de la noix de cajou. .

AIP : La Côte d’Ivoire en 2021, a transformé 14% de sa production d’anacarde et envisage d’atteindre 50% d’ici à 2025. Quel est votre regard sur cette mesure ?

Ambassadeur : Concernant le taux de transformation de la noix de cajou par la Côte d’Ivoire estimé à 14% , il faut reconnaitre en 2021, la part importante de l’Inde pour atteindre ce chiffre. Car les entreprises indiennes installées en Côte d’Ivoire y ont contribué énormément. Ces entreprises, qui sont dans le domaine de la transformation, à savoir, Olam et Dorado Ivory.

Olam, qui est d’origine indienne, naturalisée singapourienne, a produit à elle seule 8 à 10% des 14% du taux de transformation de la Côte d’Ivoire en 2021. Aussi, l’entreprise de transformation de noix de cajou, Dorado Ivory, pour l’année 2021, a transformé 50 000 tonnes de noix de cajou. Cette année, elle s’est fixée pour objectif d’augmenter sa production à transformer à 70 000 tonnes de cajou. Ces deux entreprises Olam et Dorado Ivory sont les leaders de la transformation de la noix de cajou en Côte d’Ivoire. Au vu de ces deux exemples, nous pensons que d’ici l’année prochaine (2023), la Côte d’Ivoire sera à 20% de sa capacité de transformation.

Des travailleurs dans l’usine de transformation de l’anacarde de Dorado Ivory

AIP : Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire envisage d’atteindre 50% de son taux de transformation d’ici 2025. Selon vous, quelles peuvent être les stratégies à mettre en œuvre ?

Ambassadeur : Actuellement, la Côte d’Ivoire est le premier producteur et exportateur de la noix de cajou, mais de la noix de cajou brut. Cela ne permet pas d’avoir des retours conséquents. Si la transformation est faite localement, il y aura plusieurs bénéfices notamment la valeur ajoutée qui va s’accroître. Lorsque le produit est vendu brut, il est vendu à un certain prix tandis que lorsque le produit est vendu à la transformation, le prix est beaucoup plus élevé, ce qui va immédiatement impacter les recettes que l’Etat va encaisser. Aussi, ce secteur est pourvoyeur d’emplois directs. L’entreprise Dorado Ivory emploie plus de mille personnes. Si elle est à même d’augmenter sa capacité de production, cela signifie plus d’emplois directs et par ricochet, plus d’emplois indirects au niveau de la manutention et de toutes autres tâches autour de cette industrie. Voici autant d’avantage pour la transformation locale.

Le Gouvernement ivoirien, sous la direction du Président Alassane Ouattara, s’est lancé dans un vaste chantier visant à accroître la capacité interne de transformation de la noix de cajou. Ainsi, pour attirer les investissements dans la transformation, des mesures comme l’exonération de la taxe à l’exportation pour les noix de cajou transformées localement ont été prises. En 2016, le Gouvernement a également lancé un programme visant à offrir une prime pour les noix de cajou transformées localement, sans oublier les efforts qui sont fait pour assainir le milieu des affaires en Côte d’Ivoire. L’immense potentiel du secteur, ainsi que les politiques incitatives du Gouvernement ont contribuées à renforcer la confiance des hommes d’affaires indiens, quant à leur volonté d’investir dans la transformation de la noix de cajou.

L’un des premiers à avoir saisi cette opportunité est Rajkumar Venkatesan, président du groupe Royal Nuts Pte Ltd, basé à Singapour. Acteur chevronné de l’industrie de la noix de cajou, Rajkumar a trouvé en la Côte d’Ivoire l’endroit idéal pour la réalisation de son projet de rêve, à savoir, Dorado Ivory qui est la plus grande usine de transformation de noix de cajou au monde. Pour le bon fonctionnement de cette usine, environ 24 millions de dollars ont été investis dans sa construction, l’acquisition des machines les plus récentes, ainsi que dans l’amélioration des infrastructures terrestres et municipales. En 2020, bien que le projet ait été sévèrement touché par la pandémie de Covid-19 au lancement de la construction de l’usine, l’entreprise a pu commencer son activité commerciale en juillet 2021. L’usine a une capacité installée de transformation de 50 000 Tonnes de noix de cajou brut. D’ici 2023, la société espère porter cette capacité à 70 000 Tonnes. Pour Rajkumar, l’objectif derrière la transformation locale de la noix de cajou ne consiste pas seulement à ajouter de la valeur au produit, mais également à réduire les émissions de carbone en diminuant les kilomètres de transport de marchandises et à promouvoir un environnement durable. Je suis convaincu que si ces efforts continuent, d’autres entreprises viendront s’y installer, ce qui va davantage contribuer au développement de la Côte d’Ivoire.

Les entreprises indiennes en Côte d’Ivoire peuvent être petites en nombre, mais leur impact est de plus de plus considérable. Par exemple dans le domaine de l’agriculture, elles ont déjà investi plus de 120 millions de Dollars. En tant qu’ambassadeur, je continue de militer en faveur de l’avenue des investisseurs indiens pour pouvoir davantage investir dans l’agriculture, parce que je continue de croire que l’agriculture est le secteur le plus important en ce qui concerne le développement d’un pays. Ici en Côte d’Ivoire par exemple, plus 50% de la population dépend encore de l’agriculture et travaille dans le domaine de l’agriculture. L’agriculture permet donc de donner nourrir la population et d’accroître également le produit intérieur brut.

Aussi, en Côte d’Ivoire, il y a notamment, le cacao, le café, le coco, le cajou, la cola, le caoutchouc, l’huile de palme, qui constituent des produits dans lesquels le pays occupe les premiers rangs sur le plan mondiale. La commercialisation de ces produits à l’échelle internationale, permet à la Côte d’Ivoire d’acquérir des devises étrangères. Je milite beaucoup à la venue d’investisseurs indiens dans le pays.

AIP : Etes-vous satisfaits de la coopération entre l’Inde et la Côte d’Ivoire concernant le secteur de la noix de cajou ou y a-t-il encore des domaines à renforcer?

Ambassadeur : Du côté indien, l’avis est que la Côte d’Ivoire et l’Inde ont un grand partenaire dans le secteur de la noix de cajou. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui premier producteur et exportateur mondial de la noix de cajou, ce qui s’est fait par l’influence directe des négociants indiens. Donc avec cette grande capacité de production et d’exportation de la Côte d’Ivoire et cette grande capacité de transformation et de consommation de l’Inde, avec ce croisement d’atouts, donne lieu à un parfait mariage entre ces deux pays pour davantage booster le secteur de la noix de cajou.

AIP : Quels aides peuvent apporter l’Inde à la Côte d’Ivoire dans la perspective d’une industrialisation de la filière ?

Ambassadeur : Premièrement, l’Inde a déjà permis à la Côte d’Ivoire de pouvoir booster sa production de noix de cajou ce qui lui a permis d’être au premier rang mondialement. Deuxièmement, on a la capacité de transformation de la Côte d’Ivoire qui est en train de s’accroître principalement grâce aux acteurs majeurs indiens, qui installent des unités de transformation dans le pays. Aussi, le fait que l’Inde est un grand consommateur de noix de cajou, donne en fait à la Côte d’Ivoire un grand marché pour pouvoir écouler sa production.

Quatrièmement, l’Inde à travers ses actions contribuent, à une meilleure production, transformation et exportation de la noix de cajou ivoirienne pas seulement en Inde mais dans le monde. Il faut comprendre que si nous produisons et que nous ne pouvons pas transformer, exporter vendre ou encore commercialiser, ça serait inutile mais surtout une grande perte. Alors la capacité de pouvoir booster nos productions, transformer, exporter et vendre, c’est déjà un grand atout. Ce boost au niveau de la production, de la transformation, de l’exportation et de la vente est encourager par les entreprises privées indiennes qui se sont déjà installés en Côte d’Ivoire.

AIP : Nous sommes au terme de notre entrevue, quel est votre mot de fin, monsieur l’Ambassadeur ?

Ambassadeur : La Côte d’Ivoire est un beau pays surtout très attractif sur tous les plans, particulièrement sur le plan des affaires, parce que comme je l’ai mentionné plus tôt, grâce à la politique d’investissement et à l’assainissement du milieu des affaires, un nombre important d’investisseurs s’y sont installés. La Côte d’Ivoire regorge de beaucoup d’opportunités et de potentiels même en termes de main d’œuvre qualifiée. Tout cela milite en faveur de l’accroissement des relations et de coopérations avec l’Inde.

La Côte d’Ivoire aussi constitue la locomotive pour les pays subsahariens, notamment ceux de l’Afrique de l’Ouest. Je crois que ce pays va continuer à le demeurer à cause de sa position et de toutes les politiques qui sont entreprises en matière de développement. Fort de tout cela, les échanges commerciaux et les investissements privés entre l’Inde et la Côte d’Ivoire ont déjà dépassé le milliard de Dollars. Et aussi en terme coopération entre nos gouvernements, nous sommes à plus de 500 millions de Dollars. Tous ces chiffres sont pour montrer que la coopération entre les deux pays va dans le bon sens. Je vois une grande opportunité entre nos deux pays, un grand partenariat, une relation d’amitié et d’affaire plus grandissante. Je crois que l’avenir promet de belles choses entre l’Inde et la Côte d’Ivoire.

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