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Résonances africaines: Cinq questions au philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne


  7 Juin      19        Culture (1465),

 

Rabat, 07/06/2023 (MAP)- Le philosophe sénégalais des sciences et de l’islam, Souleymane Bachir Diagne, a souligné mardi à Rabat l’importance de la restitution du patrimoine artistique africain et sa contribution à la reconstitution de la mémoire africaine.

Ce professeur à l’Université de Columbia de New York a relevé, lors d’une rencontre sur le patrimoine artistique africain dans le cadre du SIEL-Rabat 2023, que ce legs arraché de son terroir se compose d’artefacts qui ont un caractère spirituel et religieux dont la réappropriation permettrait une reconnexion des Africains avec leur culture.

Dans cette interview accordée à la MAP, Pr. Diane livre sa vision singulière de la démarche de restitution, de la conservation et du partage des œuvres d’art africain et de la nouvelle éthique relationnelle dégagée de leur mise en circulation.

 

.-1- Quel regard portez-vous sur les résonances africaines dans leurs dimensions culturelles, artistiques, philosophiques et même politiques? Et Comment peut-on faire rayonner l’Africanité dans toute sa splendeur et sa diversité notamment dans ses volets identitaires et artistiques?

Je porte un regard optimiste sur ces résonances, car c’est important de voir des penseurs africains se rencontrer pour réfléchir ensemble sur les orientations que prend ce continent et la direction qu’il choisit. C’est la raison pour laquelle ces résonances reconstituent une certaine forme d’unité de l’Afrique historique et du panafricanisme. Aujourd’hui, il existe une unité qui se fonde sur des échanges culturels et intellectuels. Cette rencontre a été pour moi une expérience tout à fait édifiante et une expérience dont je me suis profondément enrichie.

S’agissant de l’Africanité, je peux dire que l’Afrique est en train de rayonner de ce point de vue là. Il s’agit simplement de mettre ensemble et en conversation les expériences et les imaginaires qui s’expriment ici ou là sous différentes formes notamment culturelle et artistique.

Il est important de faire en sorte, par exemple, que les arts africains qui se développent aujourd’hui, y compris les arts contemporains, se parlent et entrent en conversation de manière très régulière.

Aussi faut-il penser le devenir africain selon une réflexion partagée portée par des Africains sur le continent africain. Il nous arrive de nous rencontrer, mais souvent à l’extérieur de l’Afrique dans des conférences organisées par des universités européennes ou américaines. Aujourd’hui, il est primordial d’avoir un espace comme celui qui nous abrite actuellement et où nous nous rencontrons en terre africaine pour réfléchir, non seulement à l’histoire commune qui est la nôtre, mais également à l’avenir que nous partageons et que nous construisons ensemble.

 

.-2- Cette rencontre évoque la restitution du patrimoine du continent africain qui est en soi une reconstruction de la mémoire de sa population. Comment pensez-vous la conservation et le partage des œuvres restituées ou rapatriées?

En effet, il est nécessaire de reconstituer une certaine mémoire africaine inscrite dans les objets artistiques qui ont été arrachés à ce continent. C’est la raison pour laquelle la restitution est une chose fondamentale. C’est une exigence qui est au moins aussi vieille que les indépendances africaines. Il est important que cette question de restitution soit de nouveau sur la table et qu’elle soit surtout suivie d’actions. On le voit maintenant. Mais au-delà de cette restitution d’une mémoire, il s’agit de construire ensemble à partir de cette mémoire un futur africain. On peut parfaitement imaginer que les musées africains, qui se développent à l’heure actuelle et qui sont aussi bien des musées d’histoire de l’art que des musées d’art contemporain, entrent en résonance les uns avec les autres. Que la fameuse circulation de l’art soit aussi une circulation intra-africaine et que cela pourrait éventuellement mettre fin à la division artificielle établie entre une Afrique du Nord, qui se tourne vers l’Europe et la Méditerranée, et une Afrique subsaharienne qui serait enfermée dans sa propre identité.

A mon avis, cette circulation doit être mise en oeuvre entre les différentes institutions muséales et les artistes du continent. Il faut également l’établir avec le reste du monde.

 

.-3- Quels sont les enjeux culturels, muséographiques et philosophiques de la restitution du patrimoine artistique africain?

Pour moi, il est important que cette restitution ait lieu pour que les musées africains puissent s’enrichir des objets qui ont été créés en Afrique. Par le biais de cette restitution, les musées africains peuvent jouer le rôle qui leur incombe dans les échanges internationaux et aussi dans la circulation internationale des objets d’art. Quand les musées du Sud pourront être des musées prêteurs et aussi des musées à qui l’on prête, à ce moment-là il y aura une circulation de l’art mondial de la même manière qu’il y a une littérature mondiale. Et cet art mondial aura des infrastructures muséales sur lesquelles s’appuyer.

.-4- Ayant une appartenance géographique et des liens historiques avec l’Afrique, le Maroc fait de ce continent comme une priorité dans sa politique étrangère. Le Royaume multiplie les efforts pour renforcer et consolider davantage cette appartenance à travers une coopération Sud-Sud dans tous les domaines. Comment qualifiez-vous les actions menées par Rabat en vue de promouvoir la résonance africaine notamment culturelle dans le monde?

 

Le Maroc occupe une position géographique et historique particulière et a vocation à créer des liens. Le Royaume a toujours eu une véritable politique culturelle qui n’a cessé de se renforcer davantage ces dernières années tout en s’ouvrant sur l’Afrique. Il est, aujourd’hui, à la pointe de la coopération Sud-Sud, tout en menant une politique économique totalement offensive dans le bon sens du terme en direction du continent africain. Parallèlement aux questions économiques, le Salon qui nous réunit aujourd’hui représente, lui, le ciment culturel. Je suis particulièrement sensible à la démarche marocaine de construire sur une culture partagée une coopération dans les différents domaines.

 

.-5- Présent aujourd’hui au SIEL qui constitue un espace de débat et de réflexion, pouvez-vous nous livrer, en tant que philosophe africain, votre vision sur la littérature et la philosophie considérées comme moyens d’échanges de savoirs et de connaissances, notamment dans leur dimension africaine?

 

Les hommes et les femmes d’imagination, qui sont les écrivains, ont un rôle important lorsqu’il s’agit d’anticiper sur le futur. Je crois que la littérature dans son aspect poétique, de création, de traduction des imaginaires a véritablement une fonction anticipatrice, quasiment prospective. Les choses sont ressenties par les artistes et les écrivains avant d’être, d’une certaine manière, pensées par les théoriciens et les philosophes. Je crois, en effet, que la littérature en tant qu’expression des imaginaires, des désirs, des projections humaines a un rôle important à jouer dans cette capacité que nous devons développer sur notre continent, celle d’anticiper l’avenir pour mieux en être maître et l’orienter.

Sanae ECHAHDI

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