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OUSMANE TANOR DIENG, UNE DIMENSION PEU COMMUNE

Dakar, 15 juil (APS) – Un homme public de grande envergure disparait
de la scène politique sénégalaise avec le décès lundi du secrétaire
général du Parti socialiste (PS, majorité), Ousmane Tanor Dieng,
rappelé à Dieu en France à l’âge de 72 ans, des suites d’une maladie.

M. Dieng, nommé président du Haut Conseil des collectivités
territoriales par Macky Sall, institution qu’il dirigeait de 2016 à sa
mort, comptait parmi les plus fidèles alliés politiques du chef de
l’Etat sénégalais dont il avait fini par être un solide soutien,
progressivement à partir de l’accession de ce dernier à la
magistrature suprême à partir de 2019.

Ousmane Tanor Dieng doit à ce soutien à Macky Sall une grande partie
de ses inimités politiques de ces dernières années, le PS, sous ses
ordres, s’abstenant de présenter un candidat à la magistrature
suprême, comme lors de la présidentielle de février dernier, histoire
de privilégier son alliance avec le président sortant, en lice pour un
second mandat.

Une option qui a contribué à accentuer les dissensions internes à son
parti, mais Ousmane Tanor Dieng s’en tenait toujours à cette position,
avec ses alliés et plus fidèles partisans, contre vents et marées,
malgré les critiques de plus en plus dures de ses détracteurs dont le
nombre augmentait à mesure que quelqu’un comme l’ancien maire de
Dakar, Khalifa Sall, gagnait de la sympathie dans l’opinion et se
présentait en candidat potentiellement sérieux à la présidence de la
République.

Il devenait alors facile pour les partisans de Khalifa Sall – condamné
à cinq ans de prison en mars 2018 pour escroquerie sur deniers publics
– de voir derrière les déboires judiciaires de ce dernier la main
noire du secrétaire général du PS, opposé à une candidature socialiste
à la présidentielle dans ce contexte d’alliance avec le pouvoir,
contrairement à l’ancien édile de Dakar, qui revendiquait le soutien
de larges franges du parti.

Celui qui entama son service au sein de l’administration sénégalaise
comme conseiller chargé des affaires internationales au ministère des
Affaires étrangères (1976-78), à sa sortie de l’Ecole nationale
d’administration, a pour cela de qui tenir, en la personne du premier
président sénégalais Léopold Sédar Senghor dont il fut le conseiller
diplomatique (1978-1981).

Senghor, chantre de l’organisation et de la méthode, a inspiré chez
Ousmane Tanor Dieng le sens de l’Etat et le goût de l’exacte mesure
des choses, toutes choses qui n’ont que peu de rapport avec les excès,
y compris politiques.

Une qualité sans doute perçue par Abdou Diouf, successeur de Léopold
Sédar Senghor auprès de qui Ousmane Tanor Dieng a également assumé les
fonctions de conseiller diplomatique (1981-1988), avant d’être nommé
directeur de cabinet, puis ministre-directeur de cabinet, poste qu’il
occupera jusqu’en 1993, année où il est nommé ministre d’Etat,
ministre des Services et des Affaires présidentiels.

Cela faisait qu’Ousmane Tanor Dieng était craint, adulé et courtisé
pour sa toute-puissance supposée au sein du pouvoir. Il était vu comme
celui qui faisait et défaisait les destins, une légende nourrie de
fantasmes les plus divers, en partie liés à sa grande discrétion,
surtout en ce qui concerne la conduite des affaires de l’Etat.

Le sens du compromis du défunt – de la compromission disent ses
détracteurs -, lui a été d’un grand apport, spécialement à partir de
2000, quand il a fallu prendre les rênes du PS après sa défaite à la
présidentielle de cette année-là, dans un contexte d’alternance
politique marqué par plusieurs éléments du PS.

Beaucoup ont quitté le navire du PS, mais Ousmane Tanor Dieng a tenu
bon avec détermination, misant sur la fin de la tempête politique, le
courage et la détermination des militants qui resteraient. Il peut
même se prévaloir d’avoir transformé en sa faveur une situation mal
engagée au départ, contribuant à une opposition républicaine sous
Abdoulaye Wade, mentor et prédécesseur de son allié Macky Sall.

Raillé pour son manque de charisme, Ousmane Tanor Dieng aura
l’occasion de faire valoir ses capacités de tacticien politique, son
expertise même, en servant de catalyseur, avec d’autres leaders
politiques bien sûr, à la dynamique d’opposition ayant conduit au
lancement des Assises nationales du Sénégal, conduites entre le 1er
juin 2008 et le 24 mai 2009, au plus fort de la contestation du
pouvoir du président Wade.

Il en a gagné en retour une certaine légitimité politique, quelque
chose venu définitivement clore le congrès controversé dit sans débat
de 1996, à l’issue duquel il fut imposé par Abdou Diouf comme premier
secrétaire du PS, au grand dam de ses challengers, lesquels n’ont eu
de cesse d’affirmer que cet épisode avait précipité la chute du PS, le
19 mars 2000, et sa traversée du désert après 40 ans de pouvoir.

La suite du parcours politique d’Ousmane Tanor Dieng est bien connue.
Il fut candidat à la présidentielle en 2007 et en 2012, sans vraiment
réussir à faire adhérer grand nombre à son idéal politique, deux
succès répétés qui conduisent le secrétaire général du PS à un certain
réalisme.

Il soutenait Macky Sall au second tour de la présidentielle de 2012 et
était l’un de ses plus importants alliés au scrutin présidentiel du 24
février dernier.

Dans un message de condoléances rendu public à l’issue de son décès,
Macky Sall lui a bien rendu ce soutien quand il salue notamment « un
homme d’Etat d’une dimension exceptionnelle », témoignage aussi d’un
parcours pas toujours compris, mais qui était soumis aux exigences de
la République et de l’Etat.

« Le Sénégal vient (…) de perdre un homme d’Etat d’une dimension
exceptionnelle, un digne fils de la République dont le parcours
constitue un exemple d’abnégation et un modèle d’engagement
patriotique », écrit le président Sall.

« Avec la disparition du président Ousmane Tanor Dieng, le président
Macky Sall, la coalition Benno Bokk Yaakaar, le Parti socialiste et la
République viennent de perdre un allié éminent et loyal, un grand
militant du Sénégal, et la République un de ses plus grand
serviteurs », conclut-il, avant de formuler des prières « les plus
ferventes pour qu’Allah l’accueille au paradis ».