Casablanca, 10/12/2024 (MAP) – Le vice-président régional d’IFC (International Finance Corporation – Société financière internationale) pour l’Afrique, Sérgio Pimenta, a accordé une interview à la MAP, en marge de l’Africa Financial Summit (AFIS 2024) qui se tient les 09 et 10 décembre à Casablanca.
Dans cette interview, M. Pimenta met l’accent sur le partenariat stratégique entre le Maroc et l’IFC, les secteurs prioritaires et le rôle de leader joué par le Royaume dans le secteur des énergies renouvelables et des marchés de capitaux.
– Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels le secteur financier africain doit faire face aujourd’hui ?
Le secteur financier en Afrique fait face à un nombre de défis liés notamment aux incertitudes au niveau international, aux taux d’intérêts élevés et à l’intégration régionale.
Mais, il faut aussi regarder les opportunités. D’abord, je considère que le retrait des banques non-africaines du continent africain crée un espace où les banques africaines peuvent croître et augmenter leurs opérations.
Ceci permet d’accélérer cette intégration régionale qui, à terme, apportera beaucoup d’aspects positifs au continent africain. Donc, je pense que ça fait partie des opportunités que les banques africaines peuvent saisir.
– Comment l’IFC adapte-t-elle ses stratégies pour maximiser son impact sur la croissance inclusive et durable ?
Nous avons dû adapter nos opérations pour accompagner l’évolution des secteurs financiers en Afrique et la création d’un espace africain plus intégré.
Par exemple, nous avons fortement augmenté notre présence physique en Afrique. Nous avons presque doublé le nombre de nos effectifs en Afrique et augmenté le nombre de nos bureaux sur le continent, en passant de 22 à 40 bureaux.
Nous sommes plus proches des partenaires et des populations, ce qui est très important pour pouvoir développer nos interventions, tout en se focalisant de plus en plus sur le soutien des champions africains, à savoir les entreprises africaines qui sont en train de mener cette évolution vers un continent beaucoup plus intégré.
Sur un autre registre, nous voulons accompagner les petites et moyennes entreprises (PME) africaines, particulièrement celles détenues par des femmes, en développant des nouveaux produits qui font recours aux nouvelles technologies et à l’intelligence artificielle.
– Quelles sont les priorités de l’IFC au Maroc ?
Le Maroc est un pays important pour l’IFC. Nous sommes présents depuis plus de 60 ans.
Nous avons connu au cours des cinq dernières années une très forte accélération de nos opérations au Royaume, en accompagnant les banques et les entreprises marocaines quand elles sont parties ouvrir des opérations sur d’autres pays en Afrique, notamment en Afrique de l’Ouest.
Nous avons aussi accompagné les priorités du gouvernement marocain, notamment sur les questions de régionalisation et des infrastructures durables.
Nous avons diversifié notre portefeuille, de manière à pouvoir soutenir de façon plus large le développement de l’économie marocaine, en travaillant avec un certain nombre d’entreprises publiques avec un impact réel sur la création d’emplois et de nouvelles opportunités économiques.
– La transition énergétique est une priorité pour l’Afrique, mais elle nécessite des investissements massifs. Quelle est la stratégie de l’IFC pour mobiliser des financements privés et publics afin de soutenir des projets climatiques à grande échelle, et comment le secteur financier africain peut-il être impliqué davantage ?
La question climatique est centrale au monde d’aujourd’hui et c’est le plus gros défi auquel l’humanité fait face.
L’IFC a développé un nombre d’outils et d’approches pour justement accompagner les entreprises en Afrique à s’adapter aux questions climatiques.
Nous travaillons avec les gouvernements sur des questions réglementaires pour encourager des pratiques environnementales de meilleure qualité et développer des marchés de capitaux avec des produits à caractère environnemental.
Pour les entreprises, nous avons une partie de conseil pour les aider à s’adapter, à comprendre et à mesurer l’impact que le climat sur leurs affaires et pouvoir s’y adapter.
Le dernier volet est relatif au financement. Nous avons déployé des montants records de financement pour des projets à caractère environnemental, dans différents secteurs pour aider les entreprises et les banques africaines à s’adapter aux questions climatiques.
Nous avons aussi travaillé avec les banques et les institutions financières pour les aider à offrir à leurs clients des produits à caractère climatique, notamment aux entreprises de petite taille qui veulent faire des investissements pour améliorer leur empreinte climatique.
– Le Maroc est aujourd’hui leader en matière d’énergies renouvelables en Afrique et à travers le monde. Quelle est votre lecture ?
Le Maroc, à la fois au niveau réglementaire et de la qualité des entreprises et leur expérience, a la capacité d’être un leader des énergies renouvelables en Afrique.
Le Royaume, qui a développé un nombre de projets dans les énergies renouvelables remarquables, est à la pointe sur plusieurs secteurs, notamment l’hydraulique, l’éolien et le solaire.
Nous sommes très fiers d’avoir pu accompagner un nombre d’entreprises dans ces projets-là ». Je cite à titre d’exemple l’OCP pour notamment la production d’engrais et l’extraction de minerais.
Je réitère l’engagement de l’IFC pour soutenir les entreprises marocaines qui se lancent dans les énergies renouvelables. Ces projets vont être répliqués dans un certain nombre de pays à travers l’Afrique et à travers le monde.
– Le Maroc s’affirme de plus en plus comme un hub financier pour le continent. Comment l’IFC voit-elle le rôle du Maroc dans la facilitation des flux d’investissements vers l’Afrique subsaharienne ? et quels secteurs pourraient bénéficier de cette dynamique ?
Vous avez tout à fait raison. Le Maroc est devenu l’une des places financières d’Afrique les plus importantes.
C’est pour cela que nous avons décidé avec notre partenaire Jeune Afrique Media Group d’organiser l’AFIS à Casablanca. Et quand on voit le nombre record de participants, ça montre bien que nous avons fait le bon choix : Casablanca est l’endroit où les institutions financières africaines se retrouvent pour pouvoir développer le secteur à travers le continent.
Pour soutenir le secteur financier marocain, nous travaillons avec un nombre de banques marocaines et d’institutions financières marocaines, compagnies d’assurance et autres pour les aider à avoir les financements à long terme dont elles ont besoin pour mettre en œuvre cette stratégie de développement panafricaine.
Nous déployons également des ressources d’assistance technique auprès des banques pour les aider à faire recours au numérique pour passer à la vitesse supérieure en termes de soutien aux entreprises, notamment les PME.
Le Maroc fait partie de ces pays en Afrique qui ont un leadership en termes de développement du marché du capitaux et du développement du secteur financier, ce qui permet à d’autres pays africains de suivre les mêmes pratiques. Je pense que ça aura un impact bien au-delà des frontières marocaines.