Le Cap (Afrique du Sud), 10/12/2024 (MAP) – L’Afrique du Sud traverse actuellement une véritable crise multidimensionnelle et se doit, de ce fait, d’engager un dialogue national salvateur, afin de permettre aux Sud-africains de faire entendre leur voix concernant les choix et la gouvernance du pays, ont indiqué des participants à une conférence tenue mardi au Cap (1470 km de Pretoria).
Les intervenants à la conférence de deux jours, organisée sous le thème «Les défis de l’ANC et la révolution démocratique nationale», ont soulevé un certain nombre de questions, notamment la perception selon laquelle les dirigeants du Congrès National Africain (ANC), parti au pouvoir en Afrique du Sud depuis trois décennies, sont détachés de la société. Il s’agit aussi du renouveau du parti historique, de l’instabilité politique dans certaines provinces, à cause de l’échec du système des coalitions et des moyens devant permettre de relever les nombreux défis auxquels le pays fait face actuellement.
Ils ont été unanimes à reconnaitre que les élections générales du 29 mai dernier ont marqué une rupture dans l’histoire du Congrès National Africain et montré que le mouvement de libération est devenu, lentement mais sûrement, un parti comme les autres, en n’échappant plus aux divisions et aux luttes personnelles.
Lors des récentes élections générales, le parti de Nelson Mandela, faut-il le rappeler, a perdu, pour la première fois depuis 30 ans, sa majorité absolue au Parlement en n’obtenant que 40% des suffrages exprimés. Affaibli lors de ce scrutin, l’ANC a été contraint de nouer des alliances avec neuf autres partis politiques pour former un gouvernement de coalition.
Dans ce contexte, des orateurs ont soutenu que le dialogue national devrait plancher sur l’urgence de la transformation démocratique du pays, dont l’un des objectifs fondamentaux doit être d’élever le niveau de vie de la population et, en particulier, d’éradiquer les injustices séculaires perpétrées contre la majorité noire. Cela s’applique aux possibilités d’emploi, à l’éducation, au logement, à la santé et à d’autres commodités, relèvent-ils.
Dans l’optique de s’attaquer aux véritables défis des disparités sociales, de chômage, de criminalité, de corruption et de crise économique aiguë, estiment-ils, il faudra assurer le contrôle populaire sur les secteurs vitaux de l’économie. Cela impliquera le renforcement continu du secteur étatique dans les mines, l’industrie lourde, les banques et les autres industries monopolistiques, notent-ils.
«Afin d’éliminer le système de domination coloniale, il sera nécessaire d’assurer la propriété et le contrôle sur les aspects décisifs de l’économie», soutiennent-ils encore.
Jetant un éclairage sévère sur la lenteur de la distribution des richesses en Afrique du Sud, les conférenciers ont déclaré que la société la plus inégalitaire du monde n’a pas encore réussi à faire bouger de manière significative l’aiguille sur la fracture raciale des richesses 30 ans après la fin de l’apartheid.
Ils ont cité, à cet égard, un rapport de la Banque mondiale sur les inégalités en Afrique australe, qui révèle que 80 % des richesses de l’Afrique du Sud sont entre les mains de 10 % de la population. Le rapport attribue la responsabilité des disparités de revenus directement à la race, en soulignant que l’héritage du colonialisme et de l’apartheid, enraciné dans la ségrégation raciale et spatiale, continue de renforcer les inégalités dans le pays.
Au regard de tous ces défis, les participants ont souligné l’urgence de réformes et la nécessité d’un changement fondamental dans les différents choix politiques, économiques, diplomatiques, éducatifs et sociaux du pays.
Intervenant lors de la première journée de cet évènement, l’ancien Président sud-africain, Thabo Mbeki, a brossé un sombre tableau de l’Afrique du Sud qui est aux prises avec une corruption généralisée, un taux de chômage record (33%), une criminalité rampante et une pauvreté et des inégalités criardes.
M. Mbeki a déclaré que le pacte social censé résoudre les nombreux problèmes du pays a été pratiquement abandonné par le gouvernement.