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Burkina/Investissement dans l’orpaillage au Sud-Ouest : quelques fonctionnaires s’égarent dans le secteur


  14 Septembre      53        Economie (22714),

 

Ouagadougou, 12 sept. 2023 (AIB)-Longtemps considéré comme la chasse gardée du monde rural, le secteur de l’orpaillage attire de plus en plus de nouveaux acteurs qui aspirent aussi à un meilleur devenir, au nombre desquels les fonctionnaires.

Discrètement, ils s’y investissent dans l’espoir d’arrondir des fins de mois difficiles voir briller comme le métal jaune.

« Si tu fais…je vais te maudire, tu vas devenir fonctionnaire !» Les populations et en particulier les agents publics vivant dans les localités où l’orpaillage bat son plein, connaissent très bien cette plaisanterie de mauvais goût de certains orpailleurs, nouvellement riches, jetant souvent des piques à leurs camarades, à qui ils souhaitent une vie de « misérable », à l’instar de celle que mèneraient les fonctionnaires.

Certainement indignés par ces attitudes et influencés par la vie de ‘’bling-bling’’ de certains chercheurs d’or, des agents publics ont succombé à la tentation. C’est le cas dans la région du Sud-Ouest.

Selon l’Enquête nationale sur le secteur de l’orpaillage (ENSO), réalisée en 2017 par l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), l’orpaillage a produit en 2016 dans la localité, 4,7 tonnes d’or estimées à plus de 118 milliards F CFA, contre 9, 5 tonnes sur le plan national, générant 232,2 milliards F CFA.

I.O., coiffeur à Gaoua, est orpailleur depuis plus de dix ans. Rencontré dans la nuit du 21 au 22 décembre 2022 dans son salon de coiffure, il avoue avoir collaboré avec le fonctionnaire G.A. (nom d’emprunt) pour exploiter l’or de Djikando, situé à 10km environ de la ville.

«Chacun a investi 150 000 F CFA et nous avons eu 7 millions F CFA. Chacun a reçu 3,5 millions F CFA », mais son collaborateur a été muté dans une autre région pour nécessité de service, nous laisse entendre notre interlocuteur.

Il affirme que l’orpaillage lui a permis de se doter en machines à moudre les roches, un détecteur d’or et un compresseur d’explosifs, un champ d’anacardes de 5 hectares, une alimentation et une parcelle.

D.Z., un agent des Forces de défense et de sécurité (FDS), natif de la région a accepté partager son expérience.

Il note avoir contracté un prêt bancaire en 2016 pour acheter un appareil de détection de métaux à plus d’un million de F CFA pour son frère, exerçant sur un autre site minier dans la province du Noumbiel.
Deux ans après, les retombées leur ont permis de construire un bâtiment moderne dans la concession familiale, de renforcer leurs équipements de travail et de se procurer des engins roulants.

Autre lieu, autre réalité. Un groupe de fonctionnaires composé d’infirmiers et d’enseignants a initié un projet d’exploitation minière en 2021. Ils ont identifié un jeune orpailleur qui serait chargé de l’exécution du projet, qui n’a finalement pas abouti.

L’un d’eux nous a fait savoir que la somme de 50 000 F CFA que chaque membre devait payer et qui servirait à approvisionner le personnel de terrain en eau, nourriture et matériel de creusage, n’a pas été versée par tous.

« Quand le trou allait commencer à produire l’or, le gain serait partagé de façon équitable », explique notre interlocuteur.

Le Vice-président du Syndicat national des artisans miniers de la région du Sud-Ouest et représentant des artisans miniers du site de Djikando, Moussa Sawadogo, rencontré le vendredi 23 décembre 2022 à son domicile à Gaoua, a confié qu’ « il y a des commerçants qui ont commencé leur commerce grâce à l’orpaillage et aussi des fonctionnaires ». Il souligne que, généralement, les fonctionnaires payent les appareils détecteurs de métaux qu’ils confient à des artisans sur les sites miniers.

« Ils ont mis un système en place où chacun gagne. C’est un business», lâche-t-il, tout en précisant que ce sont les enseignants et les hommes de tenue qui aiment investir dans ce secteur.

« J’en ai connu des fonctionnaires qui s’étaient lancés dans le milieu, j’ai perdu leur trace parce qu’ils arrivent à s’en sortir», poursuit M. Sawadogo.

Un secteur pourvoyeur d’emplois

L’artisanat minier emploie un grand nombre de jeunes contribuant ainsi à réduire le taux de chômage.

« Il y a des intellectuels qui ont le BAC, la Licence parmi nous. Aujourd’hui, il n’y a pas cette personne, quel que soit son rang social qui n’est pas dans l’orpaillage. Que ce soit les fonctionnaires, les commerçants ou les partenaires financiers », renchérit le président de l’Union nationale des artisans miniers du Burkina (UNAMB), MasmoudouSawadogo.

Selon lui, les commerçants sont nombreux à investir sur les sites miniers artisanaux dans la province du Poni et la plupart des fonctionnaires sont des partenaires financiers.

«On a des commerçants et des fonctionnaires qui sont à Ouagadougou et Bobo-Dioulasso qui travaillent avec des amis sur le site », renchérit-il.
A l’en croire, les orpailleurs ont l’expérience du terrain, mais n’ont pas de garantie comme les fonctionnaires pour avoir un crédit en banque. Ce qui explique les partenariats qu’ils nouent.

« Pour la zone de Gaoua, ils sont estimés à environ 700 000 personnes sur près de 82 sites. Le développement de la région est dû à l’orpaillage car les fils ne partent plus en Côte d’Ivoire. Avant à Gaoua à partir de 21h, il y avait des coupeurs de route, mais aujourd’hui, on peut circuler à n’importe quelle heure sans crainte, parce qu’ils se sont convertis dans l’orpaillage», raconte fièrement le président de l’UNAMB.

Statut incompatible ?

L’ex Directeur général de l’Agence nationale d’encadrement des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées (ANEEMAS), Jacob Ouédraogo, nous a confirmé selon des informations que des fonctionnaires financent l’orpaillage sur le territoire national. Cependant, il s’est abstenu de citer des noms.

En rappel, l’ANEEMAS est un Etablissement public de l’Etat qui régule le secteur de l’orpaillage sous la tutelle technique du ministère en charge des Mines. Elle a été créée en 2015 à la liquidation du Comptoir burkinabè des métaux précieux (CBMP) qui s’occupait de l’encadrement, mais aussi du rachat de la production artisanale de l’or.

Elle est implantée dans cinq régions dont un bureau au Centre-Ouest, la Boucle du Mouhoun, les Hauts-Bassins, les Cascades et quatre au Sud-Ouest qui s’explique par le fait que la région produit plus de 50% d’or dans l’exploitation artisanale au Burkina Faso.

« Nous avons constaté qu’il faut implanter des bureaux proches des acteurs pour réduire au maximum l’impact négatif des produits chimiques et des explosifs utilisés par les orpailleurs. Nous avons un intérêt particulier pour le Sud-Ouest parce qu’il abrite beaucoup de sites aurifères qui produisent de grandes quantités d’or», explique l’ex-directeur général de l’ANEEMAS, Jacob Ouédraogo.

S’agissant du cas des fonctionnaires, l’ex-DG de la fonction publique, Marcel Ouédraogo, martèle qu’il est «strictement interdit à l’agent public de mener une autre activité professionnelle en dehors des exceptions prévues par la loi telles que l’art, la production artistique, la musique, l’agriculture, l’élevage et les prestations intellectuelles, sauf s’il prend une disponibilité ou profite des week-ends pour l’exercer».

« Il y a les obligations d’exécuter personnellement le travail qui vous est confié en tant qu’agent de la fonction publique, de ponctualité et d’assiduité. Lorsqu’il y a violation de ces obligations, les textes ont prévu des sanctions », conclut l’ex-DG de la fonction publique.

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