Johannesburg, 01/10/2024 -(MAP)- L’affaire du meurtre macabre de deux femmes dans la province sud-africaine du Limpopo, abattues et jetées aux cochons dans une ferme, est un incident troublant à tous points de vue. Une scène digne d’un film d’horreur.
Au-delà du fait déchirant, ces meurtres odieux ont choqué toute la Nation Arc-en-ciel, l’un des pays les plus dangereux au monde et où le nombre d’homicides est le plus élevé. Cette horreur renseigne aussi sur l’ampleur de la criminalité dans un pays rangé par la violence, le crime organisé, le féminicide et les enlèvements contre rançons, particulièrement des étrangers.
Le meurtre barbare de Maria Makgato, 47 ans, et de Lucia Ndlovu, 34 ans, met également en évidence la pauvreté qui a réduit la dignité de beaucoup de citoyens sud-africains, affectant leur statut dans la société. Les deux femmes ont été brutalement attaquées par le propriétaire de la ferme et deux autres coaccusés alors qu’elles étaient en train de fouiller les étals de nourriture à la quête de quelque chose à mettre sous les dents.
– Des horreurs qui mettent en évidence l’ampleur de la pauvreté en Afrique du Sud
L’affaire, qui sera examinée par le tribunal le 2 octobre courant, est suivie par le public avec un vif intérêt, car il s’agit non seulement de justice, mais aussi de dignité humaine. C’est que dans la Nation Arc-en-ciel, la pauvreté s’est transformée en une nouvelle lutte pour la liberté et la dignité, alors que de plus en plus de personnes y sont entraînées, tandis que le pays lutte pour une reprise économique qui semble encore lointaine.
Selon l’Agence sud-africaines des statistiques, 18,2 millions de personnes en Afrique du Sud vivent dans l’extrême pauvreté, le seuil de pauvreté étant fixé à 1,90 dollar (34 rands) par jour. Au rythme actuel, d’ici 2030, plus de 19,1 millions de Sud-africains vivront avec un maximum de 1,90 dollar par jour.
L’horreur des meurtres dans la porcherie du Limpopo rappelle étrangement celui, tout aussi macabre, d’un homme qui a été agressé et jeté dans un enclos pour qu’il soit dévoré par les lions. De telles dépravations dépassent l’entendement et il est difficile d’imaginer que des vies humaines aient été perdues de cette façon macabre.
– Un traumatisme de masse enraciné dans la société
Pour de nombreux analystes, ces tragédies sont la manifestation d’un traumatisme de masse enraciné dans la société sud-africaine postapartheid. «On a tendance à sous-estimer le fait que l’ADN collectif des Sud-africains a pu absorber le traumatisme», a déclaré à ce propos la militante des droits de l’homme et ancienne ministre de la Fonction publique, Geraldine Fraser-Moleketi.
«L’Afrique du Sud n’avait pas traité son traumatisme à grande échelle», a déclaré la présidente de la Fondation Thabo Mbeki, faisant référence aux horreurs de l’époque de l’apartheid. Elle soutient que les Sud-africains se doivent de s’attaquer à ces problèmes, mais pour y faire face, ils doivent reconstruire la cohésion sociale.
Dans la foulée des réactions, plusieurs partis politiques et des ONG ont condamné le meurtre odieux de deux femmes noires par des paysans blancs racistes. Ils se sont déclarés « horrifiés et outragés par ces meurtres odieux », ajoutant que cette affaire révèle le besoin urgent d’action décisive pour «la guérison postapartheid» de la société sud-africaine.
Des ONG telles que la Fondation Thabo Mbeki, la Fondation Luthuli, la Fondation Leah et Desmond Tutu et, plus récemment, la Fondation De Klerk, ont toutes appelé à un dialogue national pour décortiquer et remédier aux maux du pays, 30 ans après la fin du régime ségrégationniste de l’apartheid. Elles ont de même déploré «la fracture de la société sud-africaine et l’affaiblissement de la cohésion sociale».
L’ancien Président sud-africain Thabo Mbeki disait à ce propos : «Notre peuple devrait se réunir dans le cadre d’un nouveau dialogue national véritablement inclusif pour répondre à la question : que faut-il faire ?».
Hamid AQERROUT