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Entre errance et maltraitance, la double peine pour les malades mentaux


  24 Novembre      71        Santé (15315),

 

Niamey, 24 Novembre (ANP)- Souvent Stigmatisés, abandonnés, privés de toute assistance, les personnes victimes de maladies mentales paient une double peine dans une société de moins en moins solidaire notamment dans les grandes villes.

Boulevard Tanimoune de Niamey, à l’intersection entre le quartier Banizoumbou 2 et Kalley-Plateau, des odeurs d’urines, de matières fécales ou encore de restes de nourritures se dégagent des tas d’immondices encombrant les trottoirs.

C’est dans cet univers insalubre que Tanda, une malade mentale errante, a élu domicile avec comme luxe la lumière d’éclairage public, une fois la nuit tombée.

Tanda est, en effet, un pseudonyme pour cette citoyenne ‘’sans identité et famille’’ qui vit sur les lieux depuis plusieurs mois, en croire des riverains.

« Nous ne connaissons rien d’elle, même pas son nom. Elle est venue s’installer ici, il y a environ un (1) an de cela. Nous ne savons pas d’où elle vient. Aucun membre de sa famille ne vient lui rendre visite», renseigne Mahaman, un riverain.

Selon la même source, l’handicapée mentale sans domicile fixe « ne parle à personne. Elle ne se déplace que très rarement et ne trouve à manger et à boire que lorsque des bonnes volontés lui en offrent ».

Cette femme, relatent plusieurs riverains, vit sans assistance sociale et sans aucun abri, que ce soit durant la saison pluvieuse ou la saison froide.

Avec ses cheveux crépus épaissis par la saleté, son visage crasseux et foncièrement noirci par le manque d’hygiène et ses habits de pauvre hère, force est de constater que Tanda symbolise la cruauté du destin.

Dans ce même quartier vit Tanko (pseudonyme), un autre malade mental que sa famille a abandonné à son sort.

Tanko est victime d’une dépression depuis quelques années quand il est rentré au pays après avoir été refoulé d’un pays du Golf arabique où il gagnait bien sa vie. Il était forcé d’y abandonner ses deux (2) parents, ses proches et sa fiancée, alors que son mariage était proche.

Cette situation a plongé le vingtenaire dans une dépression juste quelques mois après son retour au bercail. Il est aujourd’hui réduit à l’errance, constate-t-on.

« Il passe le clair de son temps à ramasser des ordures dans les rues, lui qui vivait dans une grande aisance chez les arabes », témoigne Sayide, un voisin.

« Nous l’avons tous soutenu à son retour, mais avec la persistance de sa maladie, tout le monde s’est désengagé. Sa prise en charge dépasse nos capacités », renchérit IB (initiales), cousin de Tanko.

Selon Sanoussi Mahaman, coordonnateur de l’ONG ‘’Agir pour les Malades Mentaux’’ (AMAM), ces handicapés mentaux sont souvent victimes de plusieurs abus, tels que les agressions physiques, de trafic d’organes humains ou encore d’accidents de circulation…

L’errance des malades mentaux de sexe féminin font de surcroit l’objet d’abus sexuels, ajoute ce spécialiste de la question.

Shasha (pseudonyme), une habitante de la Commune II de Niamey, a perdu l’usage de ses facultés mentales depuis des années.

Cette jeune femme qui erre dans les rues de la commune 2 a été, plusieurs fois, enceintée par des hommes inconnus qui abusent de sa vulnérabilité.

« L’année dernière, elle a été enceintée et l’auteur n’est pas encore identifié. Il y a quelques mois, elle a accouché d’un enfant qui vit actuellement avec sa famille », raconte une voisine.

Balkissa Kossoukoye, une journaliste travaillant à la station régionale de la Radio et Télévision du Niger (RTN) de Maradi, a réalisé en 2020 un documentaire sur la situation des femmes malades mentales dans cette Région.

Selon la consœur « les femmes qui souffrent de handicap mental sont souvent victimes de viol et tombent enceintes. Le pire est que très souvent quand elles donnent naissance, elles tuent leurs bébés».

« Dans la plus part des cas, les hommes qui commettent de telles forfaitures, le font pour des pratiques occultes, dans l’espoir de se faire riche ou pour atteindre d’autres objectifs », a constaté la journaliste-réalisatrice.

« Beaucoup de cas de viols enregistrés sur les femmes malades mentales errantes, ont été commis alors que les auteurs sont en état d’ivresse. Il y a vraiment un taux élevé de toxicomanes dans ce pays », renchérit Sanoussi Mahaman de l’ONG AMAM.

Selon la Constitution du Niger ces malades errants ont droit aux soins et à la protection sociale disposant que « La personne humaine est sacrée. L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger ».

« Chacun a droit à la vie, à la santé, à l’intégrité physique et morale, à une alimentation saine et suffisante, à l’eau potable, à l’éducation, à l’instruction (…). Chacun a droit à la liberté et à la sécurité dans les condition définies par la loi», est-il stipulé.

L’article 13 indique, pour sa part, que « Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et morale. L’Etat veille à la création des conditions propres à assurer à tous, des services médicaux et une aide médicales en cas de maladie (…) ».

En analysant ces dispositions de la loi, Dr Amadou Hassane Boubacar, constitutionnaliste, souligne que l’Etat et la société ont manqué à son devoir vis-à-vis des malades mentaux errants.

Dr Amadou Boubacar de rappeler que « l’Etat a adopté un certain nombre de politiques publiques, notamment la politique de protection sociale qui doit faire en sorte que toutes les couches marginalisées, les personnes handicapées, dont le handicap mental, les personnes âgée et bien d’autres personnes doivent être intégrées et bénéficier de la protection sociale pour l’avenir ».

L’enseignant de Droit à l’Université Abdou Moumouni de Niamey souligne aussi que « la Constitution nigérien du 25 Novembre 2010, dit très clairement à l’article 12 que chacun a droit à la vie et la santé. Et l’article 13 parle de la santé physique et morale ».

Le juriste d’enchaîner : « Et aujourd’hui, ces personnes qui vivent un peu malheureusement dans la rue (…) dont la famille a rejetées, à la limite la société les a rejetées, c’est justement un manquement à ce devoir de solidarité nationale et de protection », a-t-il soutenu, car selon lui « ces personnes peuvent être récupérées et certaines peuvent aussi être internées car à l’Hôpital national de Niamey, il y a un pavillon qui est dédié à cela ».

Le Ministre de la santé publique, de la population et des affaires sociales, Idi Illiassou Mainassara, avoue qu’au Niger « la santé mentale est l’un des domaines les plus négligés de la santé publique ».

« Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, plus de 75 % des personnes atteintes de troubles mentaux, neurologiques ou des dus à l’usage nocif des substances psychoactives ne bénéficient pas de soins de santé mentale », a-t-il reconnu.

De plus, « ces personnes font l’objet de stigmatisation, de discrimination avec des législations répressives et des violations des droits de l’hommes encore plus fréquentes », a documenté celui qui est en charge de santé publique dans le Gouvernement nigérien.

On estime, à l’échelle internationale, le nombre des personnes souffrant d’un trouble mental à un milliard (1.000.000.000), alors que trois millions (3.000.000) de personnes meurent chaque année des conséquences de l’usage nocif des substances psychoactives.

Conscient du malheur des malades mentaux au Niger, le Ministre de la santé s’engage à apporter des améliorations.

« Mon département ministériel a tenu et tiendra compte de cette réalité indéniable dans notre politique de santé, et de plan de de développement sanitaire », a-t-il déclaré.

« Du point de vue de l’accessibilité aux soins, le Niger s’y attèle à travers une stratégie d’intégration de soins généraux de santé », a-t-il assuré.

En attendant que des jours meilleurs, tous ces malades mentaux errants sont laissés à eux même dans une société qui tend à tourner le dos à certaines de ses valeurs.

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