Johannesburg, 31/10/2023 -(MAP)- Décidemment, l’Afrique du Sud est en grande difficulté, car elle est à court d’argent. Les Sud-africains sont devenus plus pauvres et sont confrontés à la pire crise du coût de la vie que ce pays d’Afrique australe ait jamais connue.
Dans un contexte de crise budgétaire aigue, les économistes ont lancé un avertissement sévère au Congrès national africain (ANC), parti au pouvoir depuis trois décennies déjà : on ne peut pas se sortir du pétrin en dépensant plus qu’on gagne.
Le gouvernement est alors dans une situation peu enviable : Le Trésor national souhaite des mesures d’austérité, mais se heurte à l’opposition d’autres acteurs inquiets des troubles publics, comme ceux de juillet 2021, surtout à l’approche des élections générale de l’année prochaine, au cours desquelles l’ANC risque de perdre sa majorité pour la première fois depuis 1994.
Et alors que le ministre des Finances s’apprête à présenter, mercredi devant le Parlement, la Déclaration de politique budgétaire à moyen terme, patronat et classe politique, l’opposition particulièrement, affichent leur scepticisme. Le budget à moyen terme devrait être l’occasion pour le ministre Enoch Godongwana de combler les lacunes, afin de stimuler la croissance d’une économie aux abois.
– L’austérité pour faire face au précipice financier
Comme prévu, il annoncera des coupes budgétaires, mais on ne sait toujours pas dans quelle mesure le ministre va serrer la ceinture dans sa déclaration devant les députés. Cependant, l’ancien syndicaliste a laissé espérer qu’il s’agirait d’un «simple coup» plutôt que d’une entaille. Il a dû choisir entre s’attaquer à la réalité budgétaire et faire face à des critiques sans précédent de la part de plusieurs dirigeants au sein de ses alliés de l’ANC qui l’ont averti de ne même pas penser à réduire les dépenses publiques, surtout à la veille des élections générales.
Dans ce pays d’Afrique australe, la crise budgétaire a atteint un niveau critique contraignant l’exécutif à recourir à l’austérité budgétaire, au risque de susciter l’ire de la société civile et des milieux d’affaires. L’ampleur du précipice financier est telle que tous les départements publics ont été sommés de geler les recrutements et les postes vacants et de mettre en œuvre des mesures pour contenir les coûts opérationnels.
– Choix entre hausse des impôts et accroissement de l’emprunt
Ainsi, le Trésor national était confronté à des compromis difficiles : soit augmenter les impôts, soit emprunter davantage d’argent pour financer l’économie. « Le gouvernement dépense plus qu’il ne gagne en impôts. Nous dépensons en tant que nation plus que ce que nous produisons et nous importons plus que nous exportons », a déclaré à ce propos André Roux, responsable du programme d’études à la Stellenbosch Business School.
D’aucun estiment que bien que les données du Trésor national montrent que le solde budgétaire mensuel du pays s’est amélioré pour atteindre un déficit de 2,5 milliards de dollars (47,3 milliards de rands) en août, le gouvernement devrait prendre des mesures immédiates pour réduire les dépenses.
Ce déficit de financement est d’autant plus préoccupant que les données d’avril 2022 à août dernier montrent que les recettes fiscales brutes n’ont augmenté que de 2,5 % sur un an.
Les économistes préviennent ainsi que si la sous-performance des recettes fiscales se maintient tout au long de l’année, cela entraînerait un déficit de recettes fiscales de 2,8 milliards de dollars (53 milliards de rands) par rapport aux attentes budgétaires.
Ils expliquent que les comptes budgétaires sont touchés sur trois fronts : Une baisse des recettes fiscales, une hausse des dépenses et une augmentation des coûts du service de la dette dans un contexte de hausse des taux d’intérêt à long terme au niveau mondial et national.
Jannie Rossouw, professeur à la Wits Business School affirme à ce sujet qu’il est clair que les recettes publiques ne correspondent pas à ce qui était prévu dans le budget et que le gouvernement ne peut pas continuer à dépenser fondamentalement plus qu’il ne gagne. «L’exécutif doit arrêter de dépenser alors que nous nous dirigeons vers le précipice budgétaire», a-t-il préconisé, arguant qu’«emprunter davantage ne servira à rien, car nous serons noyés dans les intérêts que nous devons payer sur les emprunts».
Il va sans dire que le précipice financier dont s’engouffre actuellement l’Afrique du Sud est le résultat d’une mauvaise gouvernance, aggravée par des facteurs tels que une gouvernance nationale et locale inadéquate, un secteur public vaste et inefficace dominé par des entreprises monopolistiques d’État, des délestages électriques récurrents, une criminalité rampante et un taux de chômage record avoisinant 33 pour cent.
Hamid AQERROUT