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Le pré-collecteur d’ordures ménagères un métier essentiel et viable (Reportage)


  12 Mai      81        Société (45064),

 

Abengourou, mai 2021 (AIP) – Le métier de collecteur d’ordures a été pendant longtemps méprisé par les jeunes ivoiriens parce que considéré comme avilissant. Aujourd’hui, cette même jeunesse s’intéresse au ramassage des ordures. Consciente qu’il n’y a pas de sot métier et face aux difficultés d’insertion professionnelle, la jeunesse même déscolarisée s’engouffre de plus en plus dans ce secteur informel avec le secret espoir de faire face aux charges quotidiennes. Malé Seydou est ramasseur d’ordures ménagères depuis sept ans à Abengourou. Une journée passée avec lui nous permet de comprendre les difficultés de travail, le rôle important des collecteurs d’ordures dans la société et les privilèges qu’offre le métier en termes de revenu.

Le jour s’élève sur la ville d’Abengourou chef-lieu de la région de l’Indénié-Djuablin. Il est 5 h 30 ce jeudi 29 avril 2021. Dans une cour commune à Cafétou l’un des quartiers populaires au Sud-est de la ville, nous avons rendez-vous avec Malé Seydou un collecteur d’ordures à la mairie d’Abengourou. L’homme est âgé de 39 ans, svelte et de taille moyenne se présente déjà vêtu de son uniforme de service. Une chemise aux manches longues, surmontée d’un gilet reconnaissable vert fluor, un pantalon Jeans fourré dans des bottes vertes, les mains protégées de gants orange. En cette période de carême musulman, Malé Seydou en fervent croyant a déjà confié sa journée au Dieu créateur. Il a également pris un repas consistant « anti faim » avant l’aube et se dit prêt pour le terrain.

Dix heures continuent de ramassage par jour sous le soleil et sous la pluie

« Il faut faire vite, car le travail commence à 6 heures », dit-il. Un tour rapide au service technique de la mairie pour récupérer son engin de ramassage. Il s’agit d’un tricycle un peu vieillissant. Abord de sa moto, il se rend dans une station « partenaire » à la mairie pour se ravitailler en carburant. Il est rejoint par ses deux coéquipiers Evra Gabin et Brou Kamenan. L’équipe de Malé fait partie des sept équipes de ramassage de la mairie. Ils ont en charge les secteurs de la prison civile, le quartier château en plein commerce (au centre-ville), le quartier plateau et aux domiciles des élus de la ville. Les éboueurs parcourent leur secteur répètent les mêmes gestes. Ils sont constamment en train de ramasser les ordures avec des pelles ou avec la main. Parfois, il faut taper aux portes des domiciles pour récupérer les ordures conditionnées dans des sacs et les acheminer une fois le chariot plein, vers la décharge située à quatre kilomètres en bordure de route au Nord-est de la ville.

La décharge d’Abengourou

Dans le secteur de la prison, le soleil est déjà au Zénith quand l’équipe arrive, se désaltère avec des sachets d’eau avant de « s’attaquer » à un tas d’ordures en décomposition dont l’odeur puante est ressentie jusqu’à la gorge. À l’approche des ramasseurs, une invasion de grosses mouches noires qui avaient pris possession des lieux, volent à l’unisson dans un concert de bruits propre aux insectes. Sans appréhension, le trio de ramasseurs « met la main à la pâte » et procède à l’enlèvement des ordures avec parfois un retour des résidus sur le corps. « La saleté ne nous dit rien et nous sommes habitués aux odeurs », laisse entendre Malé sans attendre ma question. S’agissant de risque de maladie surtout avec la pandémie de la Covid-19, il retrouve son éveil spirituel et fait savoir que « tout est dans la main de Dieu ».

Une fois le tricycle rempli, les trois individus accrochés à leur moto, vont directement à la décharge. Une trentaine de minutes de traversée de la ville dans un bruit assourdissant émis par le bruit du moteur du « vieux » tricycle, l’équipe parvint à la décharge. C’est une décharge saturée avec des tas d’immondices qui encombrent la voie menant dans les champs et villages à proximité. « Ici, nous devons repousser les ordures déjà abandonnées à l’entrée du dépotoir pour avoir de l’espace », dit-il. Armés de pelles et de râteaux, ils repoussent les ordures entreposées pour trouver un espace pour déverser le contenu de leur tricycle. Puis c’est le retour en ville pour un nouveau tour. « Vous voyez, c’est comme ça que nous travaillons sans arrêt chaque jour de 6 heures à 14 heures, voire 16 heures », dit-il.

Après le quartier Plateau, la prison et le domicile du maire, c’est au quartier Château non loin de la place de la solidarité qu’ils atterrissent aux environs de 13 h 30. Avant cette étape Malé et son équipe avait fait un tour à la réparation pour un pneu crevé. Ils arrivent avec les signes de la fatigue sur le visage. Plus bas, en bordure de route se dresse un monticule de résidus et de déchets ménagers élevés par des riverains « entêtés » le long d’un mur en face du hall de l’information, un endroit pourtant interdit de déverser les ordures. « Vous voyez monsieur ici en plein centre ville et sur la voie, les habitants malgré l’interdiction continuent de faire de ce lieu un dépotoir », dit-il furieux. Il explique qu’en dépit de la surveillance, les riverains viennent tard dans la nuit entre 2 h et 3 h pour y déverser les ordures.

L’étape de ramassage avec le mini-chargeur

Malé ordonne de disposer le chariot plus proche des ordures. Après deux minutes de ramassage, la chaleur moite qui prévalait en début d’après-midi laisse la place à une pluie. Très vite, ils se mettent à la manœuvre. Deux d’entre eux se débarrassent de leurs gants protecteurs pour tenir fermement le bois de la pelle devenu glissant. « Nous sommes pressés, on veut faire vite », expliquent les éboueurs. En si peu de temps ils réussissent à charger le tricycle avant que la pluie inonde l’espace grâce à l’aide du tracteur de la mairie. Puis ils se mettent à l’abri attendant l’arrêt de la pluie pour prendre à nouveau la route de la décharge. « La pluie est un mauvais compagnon pour nous, elle ne nous arrange pas parce que cela rend difficile le travail », ont fait savoir les pré-colleteurs d’ordures qui étaient à leur sixième et dernier tour de la journée avant de faire rentrer le tricycle au garage de la mairie pour vérification en attendant le jour suivant.

Un début pénible dans le métier de collecteurs d’ordures

Avec un niveau de cours moyen deuxième année (CM2) depuis 1996, marié et père de deux enfants, il explique son choix pour le ramassage des ordures. « Je fais le ramassage d’ordures parce qu’il n’y a pas de sot métier. Tu peux être vendeur de charbon, être ramasseur d’ordures ou vendre des galettes et gagner ta vie », s’est-il justifié. Il fait savoir toutefois que ça n’a pas été facile dans les débuts. « Nous sommes dans les ordures depuis 2014 pour rendre la ville propre, mais au début, ce n’était pas facile », a confié Malé Seydou. Il raconte que « les gens se moquaient de nous à notre passage. Et les enfants riaient et nous appelaient « gnaman gnaman salité » (ordures, saleté). Formé par une entreprise de collecteur d’ordures, Malé dit avoir brisé depuis, la honte et les railleries « j’ai pris cela en fair-play », dit-il avant de poursuivre « je préfère faire ce métier, pour survenir à mes besoins et celle de sa famille que de voler pour aller en prison », a affirmé Malé fier de son « boulot » et prêt à mettre la main là où il faut pour gagner honnêtement sa vie.

Difficultés du travail du collecteur d’ordures

Comme toute profession, le métier de collecteurs d’ordures à ses difficultés. « Tous les jours, du matin jusqu’à 14 heures, nous sommes sur pied, les pelles en main pour ramasser les ordures continuellement », a fait remarquer Malé Seydou. Il précise que le dimanche et les jours fériés sont les jours de repos pour les pré-collecteurs.

L’autre difficulté, c’est la pluie qui rend difficile le massage. « En temps de pluie et surtout en cas de forte pluie, on souffre, on a du mal à rouler les motos et nous sommes obligés de stopper le travail pour reprendre après la pluie », souligne Malé. Il ajoute qu’il y a aussi les odeurs qui deviennent plus fortes et suffocantes quand la pluie se mêle « mais bon, nous sommes habitués et on a fini par ne plus sentir les odeurs ».

Malé raconte qu’il arrive de retrouver dans les caniveaux des animaux morts des chiens dans les poubelles et sur la voie qu’ils se doivent d’enlever. Dans les vidoirs, y sont jetés parfois des caisses lourdes. « Il faut dans ce cas être à deux ou à trois pour soulever. Tous ces poids peuvent agir sur notre santé, avoue Malé. Il fait savoir que la difficulté majeure, « c’est l’incivisme des populations qui déversent n’importe quand et n’importe où les ordures », déplore l’homme. Du point de vue, santé, les éboueurs n’ignorent pas les risques de contamination auxquels ils sont confrontés à commencer par l’inhalation de mauvaises odeurs. « Mais l’amour du travail nous enlève toute peur nous pousse et nous encourage à mieux faire pour la propreté de notre ville », se justifie l’éboueur.

L’équipe de Malé remplace le pneu crevé du tricycle avant le dernier tour de la journée

Les pré-collecteurs, maillons essentiels dans la salubrité urbaine

Les éboueurs jouent un rôle important et sont considérés par la majorité des populations comme des agents de propreté et acteurs primordiaux de la salubrité urbaine. « Ils jouent un rôle essentiel et sont indispensables dans nos villes », soutient Charles Bamba un commerçant. « Le métier d’éboueur n’est pas une question des gens sales ou sans niveau d’étude comme se plaisent à le dire à tort certains jeunes qui refusent de travailler dans ce secteur. A ces derniers Malé répond «nous sommes soucieux de notre santé et celle des autres». Il fait savoir que même pendant la période de confinement contre la Covid-19, leur équipe était toujours dehors pour le ramassage des ordures. « Nous sommes préparés à tout braver même les microbes pour rendre la ville propre » a-t-il assuré.

Malé Seydou de retour de son dernier voyage

Un revenu viable et acceptable

Sur la question du revenu, Malé répond, « c’est acceptable » sans aucune précision sur le montant de son salaire. Il affirme que l’essentiel, c’est que ce qu’il gagne lui permet de vivre et de satisfaire aux besoins de sa famille. « Même avec 30 000 F CFA, on peut subvenir à ses besoins », dit-il avant d’ajouter qu’il suffit de savoir « accrocher sa main où elle arrive sans chercher à vivre au-dessus de son salaire ». À côté, des pré-collecteurs de la mairie existent des pré-collecteurs privés qui travaillent pour leur propre compte. Ils passent chaque jour dans des foyers abonnés pour le ramassage des ordures. Ils perçoivent 2000 F CFA à 3 000 F CFA le mois par foyer. Quelquefois certaines personnes non abonnées profitent de leur passage pour solliciter le service de ces pré-collecteurs pour vider leurs poubelles en leur proposant une pièce de 100 F CFA ou de 200 F CFA. « C’est le prix de l’eau », a confié Kouassi Michel un des collecteurs privés. Il explique que « ces jetons » lui permettent de se débrouiller en attendant la fin du mois. « Ceci montre que le métier de pré-collecteur d’ordures est aussi un métier comme tout autre et nourrit son homme si on y met la volonté et le sérieux », a réitéré Malé Seydou. « Que ceux qui désirent faire le métier de ramassage d’ordures laissent tomber « leur faux orgueil » pour se mettre au travail, car ce qui compte a-t-il dit, c’est de gagner honnêtement de l’argent pour subvenir à ses besoins.

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