Gaborone, 04/11/2024 -(MAP)- Dans un tournant historique sur la scène politique botswanaise, la Coalition pour le changement démocratique (UDC), qui incarne l’opposition dans ce pays d’Afrique australe, a créé la surprise en remportant les législatives et la Présidentielle du 30 octobre, mettant ainsi fin à un règne absolu du Parti démocratique du Botswana (BDP) durant six décennies.
Pour la première fois depuis l’indépendance du pays en 1966, les partis d’opposition ont obtenu la majorité des sièges au Parlement, ce qui a permis au leader de l’UDC, Duma Boko, de caresser son rêve de devenir Président du pays.
Dès l’annonce des résultats partiels qui ont donné une nette avance à la Coalition pour le changement démocratique, le Président sortant, Mokgweetsi Masisi, a concédé sa défaite. Un acte courageux que beaucoup ont salué comme un signe de maturité politique et un gage de paix et de stabilité dans ce pays d’Afrique australe de près de 2,5 millions d’habitants.
«Je transmettrai toutes les questions gouvernementales en suspens au nouveau Président, afin qu’il puisse les régler après son investiture. Je continuerai à servir les intérêts du pays bien-aimé dans le cadre de notre constitution», a déclaré M. Masisi, qui s’était présenté pour sa réélection en tant que porte-étendard du Parti démocratique du Botswana.
.- Le BDP, un parti au pouvoir en chute libre
Plusieurs analystes politiques ont déjà prédit que ces 11èmes élections générales du pays seraient très disputées, mais ils ne s’attendaient pas à une déferlante des partis de l’opposition. Certains même pensaient que le BDP en sortira vainqueur de ce scrutin, à cause de l’échec de l’UDC à construire une coalition solide.
Mais, c’est sans compter sur la ferme volonté de cette « vague bleue » (couleur de l’UDC, ndlr), qui est complétée par les deux autres partis d’opposition, le Parti du Congrès du Botswana (BCP) et le Front patriotique du Botswana (BPF).
L’avertissement a déjà été donné lors des élections municipales de 2022, lors desquelles les partis d’opposition ont remporté la plupart des circonscriptions, ce qui a auguré d’une nouvelle ère annonciatrice de changements majeurs dans le pays.
D’aucuns soutiennent que la domination de l’opposition au sein des Conseils municipaux et du Parlement reflète l’appétit des Botswanais pour un véritable changement. Cette tendance s’inscrit dans un contexte de mécontentement croissant des citoyens face à des problèmes tels que le chômage élevé, les inégalités, la corruption et la récession économique.
Certains ont même accusé le Président sortant d’avoir trahi la confiance de l’électorat en ne tenant pas ses promesses électorales de 2019, en matière de croissance et d’emploi, et en ne respectant pas son engagement permanent de diversifier l’économie pour la sortir de sa dangereuse dépendance aux diamants. Les jeunes électeurs, en particulier dans les zones urbaines, semblent de plus en plus déçus par les politiques et les promesses du Parti démocratique du Botswana, considérant l’opposition comme une alternative nouvelle.
.- Le nouveau gouvernement face à défis de taille
Au lendemain de ces élections historiques à bien des égards, nombreux sont les analystes politiques et économiques qui estiment que le nouveau chef d’Etat et le nouvel exécutif devront faire face à plusieurs défis de taille, notamment le problème des diamants synthétiques qui grignotent de plus en plus le marché des pierres naturelles, dont dépend fortement l’économie du pays. En effet, les diamants représentent un quart du PIB et plus de 90% des exportations du Botswana.
Selon l’Econsult Economic Review, les diamants synthétiques ont provoqué une chute de 42 % des exportations de diamants bruts du Botswana en mars 2024 par rapport à l’année précédente.
La chute des exportations a entraîné une croissance nulle du PIB sur la même période. Le Fonds monétaire international prévoit une croissance de 1 % pour 2024, contre 5,5 % en 2022 et 2,7 % en 2023. L’une des conséquences de ce ralentissement est l’augmentation du chômage global, qui est passé d’environ 21 % en 2019 à près de 28 % au premier trimestre de cette année.
C’est dire que pour la Coalition pour le changement démocratique, la partie n’est pas tout à fait gagnée. Certes, elle a franchi un pas énorme en remportant les élections du 30 octobre, mais elle lui reste encore de nombreux défis à relever et des attentes des citoyens à satisfaire.
Hamid AQERROUT