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Programme d’investissement vert OCP : Interview avec Larabi Jaidi, économiste et Senior Fellow au PCNS


  10 Décembre      45        Economie (20953), Environnement/Eaux/Forêts (6451),

 

Casablanca, 10/12/2022 (MAP) – Suite à l’annonce du programme d’investissement vert du Groupe OCP (2023-2027), présenté récemment devant SM le Roi Mohammed VI, l’économiste et Senior Fellow au Policy Center for the New South (PCNS), Larabi Jaidi, a accordé un entretien à la MAP, dans lequel il livre ses premières impressions sur ce programme, à la fois gigantesque en terme de moyens et inédit en Afrique, qui illustre le leadership et l’engagement sans faille du Royaume en faveur du développement durable.

 

1 – Le Groupe OCP s’apprête à lancer un nouveau programme d’investissement vert, quelle lecture faites-vous de cette initiative ?

 

C’est un programme colossal par la masse financière qui sera injectée dans l’économie nationale dans une période de quatre-cinq ans. Il se situe dans le prolongement du Plan précédent en renforçant les choix déjà établis pour la promotion des engrais verts et ouvre de nouvelles perspectives pour le développement des filières des énergies renouvelables connexes à la valorisation des phosphates.

La première lecture que je fais de ce projet est qu’il est un exemple de la capacité d’un pays et de ses entreprises publiques leaders à utiliser son potentiel de ressources naturelles pour diversifier son économie et consolider son autonomie stratégique.

Dans de nombreux pays du Sud qui disposent de ressources naturelles minières ou énergétiques l’échec de la trajectoire de développement s’explique en grande partie par ce que l’on appelle la malédiction des ressources naturelles.

C’est le cas de pays africains ou d’Amérique latine riches en minerais ou en ressources énergétiques qui vivent des situations économiques paradoxales caractérisées par l’abondance de la ressource naturelle et la difficulté de valoriser cette ressource par le développement des chaînes de valeur qui maximisent ses retombées dans les économies nationales.

Les monopoles publics qui exploitent ces ressources contribuent à reproduire les structures d’une économie rentière. Les revenus financiers que génèrent l’Entreprise publique sont versés à l’État qui les dépense souvent dans les consommations improductives. Sans parler des phénomènes de capture de la rente par des élites corrompues.

Le programme d’investissement de l’OCP est l’expression de l’anti-modèle rentier. Il démontre que la décision publique est animée d’une vision de long terme, d’une anticipation sur les mutations de l’environnement international, d’un volontarisme politique, d’une approche économique rationnelle. L’objectif étant de contribuer à la diversification et à l’intégration de l’économie nationale en vue d’assurer les retombées pérennes sur le bien-être des citoyens.

 

2 – Peut-on réellement aspirer à une croissance verte ? Comment ?

Ce n’est n’est pas seulement une aspiration, c’est un impératif. Le pétrole, le gaz et le charbon dont on espérait la lente disparition au profit de ressources énergétiques moins polluantes, sont plus que jamais au centre des tensions internationales. La reconversion est difficile quand il y a une accoutumance à une énergie fossile abondante.

Mais les énergies renouvelables assurent déjà une part de plus en plus importante dans le mix énergétique dans le monde. Malgré les difficultés, relevées dans les dernières négociations internationales sur le climat, à respecter les engagements consignés dans les Contributions Déterminées au niveau National (CDN), l’objectif de tendre à long terme vers la neutralité carbone s’impose à tous les partenaires.

C’est un enjeu complexe qui nécessite de décarboner tous les secteurs économiques des biens et services. L’urgence écologique n’a jamais été aussi pressante et le développement durable est un choix incontournable. Si le Maroc veut se positionner davantage sur le marché international des engrais, des produits agricoles ou industriels, il ne peut échapper aux défis de verdir les structures de son économie.

Le Royaume a réitéré, à la COP 27, sa volonté de renforcer les efforts déjà consentis en termes d’alignement de ses engagements internationaux de durabilité. Le défi est de mobiliser les moyens financiers et techniques pour un modèle de développement alliant durabilité et innovations.

Il s’agit de réajuster et de revitaliser le potentiel des programmes des énergies renouvelables pour réduire significativement le coût global de l’énergie, en faire un levier de compétitivité des entreprises et réunir les conditions d’une économie sobre en carbone et attractive aux investissements étrangers en quête de délocalisation à fortes valeurs ajoutées.

La restructuration de l’économie nationale sur la base des principes de l’économie verte par l’adoption d’une stratégie dédiée, à la fois globale et intégrée est une des principales orientations préconisées par le Nouveau Modèle de Développement. Cette stratégie devrait être déclinée, sur un plan territorial et étroitement corrélée aux stratégies sectorielles, en privilégiant les potentialités locales.

Une attention particulière devrait être accordée au développement des filières industrielles vertes dans les énergies solaires, éoliennes, d’assainissement liquide et de gestion des déchets et leur adaptation aux potentiels des régions.

 

3 – Le programme se pose de grandes ambitions socio-économiques en termes d’emploi et d’accompagnement des PMEs, quelle serait, selon vous, son implication sur la dynamique économique globale du Royaume ?

L’implication qui me paraît de la plus grande importance est celle de son action transformatrice sur les structures de l’économie nationale. Le programme consiste à transformer la contrainte énergétique à laquelle le Maroc est confronté en une réelle opportunité de développement.

Tout d’abord, il cherche à capitaliser sur les efforts déployés dans le domaine des énergies renouvelables (projets solaires, éoliens…,) et tient compte du potentiel que recèlent ces énergies moyennant l’ancrage aux nouvelles solutions technologiques, tel que le Power-to-X.

Il renforce ainsi plusieurs filières prometteuses telles que l’éolien, les cellules photovoltaïques ou encore le dessalement avec un taux d’intégration très appréciable. La production de l’eau dessalée pour la consommation des usages agricoles que non-agricoles réduirait les pressions des activités agricoles sur les ressources hydriques et contribuerait à assurer un meilleur équilibre entre la sécurité alimentaire et la préservation de l’eau.

Ensuite, il conçoit des projets industriels énergétiques dans le cadre d’une intégration industrielle territorialisée. Ce programme permettrait de consolider l’écosystème industriel national avec un taux d’intégration locale de 70% et des retombées annoncées sur 600 entreprises marocaines participantes. Il contribuera vraisemblablement au développement territorial, la plupart des projets sont localisés dans les régions d’extraction de la roche ou de sa transformation en engrais.

Enfin, le programme mobilise la ressource naturelle, la technologie et l’innovation pour produire de l’engrais vert et dynamiser, en même temps, le secteur des énergies renouvelables pour répondre au mieux aux défis des nouveaux enjeux de la compétitivité. Il contribue à l’émergence des capacités d’une politique technologique en amont par des investissements dans les activités de recherche et développement.

Il permet ainsi une appropriation et une diffusion technologique progressive permettant l’émergence d’expertise et de contenus locaux (produits et services). Le dessalement devrait créer les conditions de montage de groupements entre opérateurs internationaux et marocains pour monter en compétence et accéder aux technologies de la chaîne de valeur.

Les fermes solaires prévues dans différentes régions du pays pourraient soutenir l’évolution de l’industrie nationale naissante du solaire photovoltaïque. Les parcs éoliens prévus pourraient attirer des sociétés spécialisées dans le but de fabriquer localement des briques technologiques manquantes.

Dans l’ensemble de ces projets il y a des opportunités d’actionner la commande publique de l’OCP pour promouvoir la compensation industrielle, étendre le champ de la sous-traitance dans des activités industrielles et de services adressées aux PMEs et TPEs locales. Cela pourrait prendre la forme de clauses d’intégration industrielle contractualisée, arrimant l’université et les instituts de recherche, les startups et les entreprises nationales à ce projet.

 

4 – Le Maroc peut-il, en vertu de ce nouveau Programme, se placer en tant que leader mondial en matière d’hydrogène vert au même titre que pour les engrais ?

L’hydrogène se trouve au centre de nouveaux enjeux géostratégiques. Il est l’un des éléments essentiels de la transition énergétique internationale. Il y a une forte compétition entre les grandes puissances qui veulent devenir les leaders mondiaux dans ce domaine.

Les Etats-Unis, l’Union Européenne, le Japon, ou la Chine multiplient les programmes, les plans d’action et mobilisent leurs ressources financières et technologiques dans cette compétition.

Plus près de nous, l’Union Européenne a mis en place une stratégie en matière d’hydrogène portée par le Green Deal où l’hydrogène devrait jouer un rôle multiple et essentiel car il permet à la fois de transporter et d’emmagasiner de l’énergie issue de sources d’énergies renouvelables.

L’engouement pour l’hydrogène est planétaire. Cela fait longtemps qu’il est présenté comme la forme d’énergie de demain. L’hydrogène et les produits dérivés « Power-to-X » ouvrent en effet de nouvelles voies pour la décarbonation, dans des branches industrielles difficilement électrifiables. Il pourrait être le pétrole de la seconde moitié du XXIème siècle.

Bien sûr ce n’est pas une source d’énergie, mais un vecteur, comme l’électricité. Cette forme d’énergie est considérée comme un élément essentiel de la transition énergétique. La réduction de notre dépendance énergétique et l’autonomie stratégique dans l’énergie sont des grands défis. Ces objectifs sont réalistes. Ils sont évidemment compliqués à atteindre. Il y a une nouvelle économie à construire et l’ambition est nécessaire.

Les filières d’hydrogène propre ou vert sont à édifier de fond en comble. Les sentiers d’équilibres de cette trajectoire seront difficiles à gérer. Tenant compte de ses atouts actuels, le Maroc devrait s’ouvrir des perspectives raisonnées dans le développement d’une filière dédiée aux produits verts (hydrogène, ammoniaque et autres…), certifiés durables et à coûts compétitifs, au service de l’industrie nationale et facteur d’attractivité à l’international.

Il s’est doté d’une feuille de route qui ambitionne de valoriser ses atouts pour se positionner dans une filière hydrogène budgétivore et qui n’est pas encore parvenue à sa maturité technologique. Rappelons que dans la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, le coût de l’énergie représente une composante prépondérante.

Le déploiement de l’hydrogène à grande échelle nécessite une maîtrise technologique des solutions de production à base d’énergie verte et de stockage et mise en réserve de la ressource. Le Maroc cherche à se doter d’une politique technologique dans ce domaine et développer des projets pilotes avec des partenaires spécialisés en la matière.

Jouer dans la cour des grands passe par la nécessité d’asseoir des contrats de partenariat avec des grands acteurs internationaux. Dans cette perspective, la convergence de la vision des pouvoirs publics, de l’OCP et du monde de la recherche sur les modes et les mécanismes de ces partenariats accélérera le processus de maîtrise de cette filière stratégique.

Zin El Abidine TAIMOURI

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