Dakar 16/09/2024 -(MAP)- Deux ans après les dernières législatives, le président sénégalais Bassirou Dioamye Faye, a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale (parlement) et fixé la date des élections anticipées au 17 novembre. Une mesure qui a déclenché de nombreuses réactions chez la classe politique de ce pays réputé de modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest.
Les réactions d’approbation et de désapprobation de la classe politique suite à la dissolution de l’Assemblée par le président de la République n’ont pas tardé et s’amplifient dans le pays.
L’opposition à l’Assemblée nationale, représentée par la Coalition Benno Bokk Yaakaar (ex-coalition au pouvoir) parle de « parjure » du président Diomaye qui avait programmé pour le 13 septembre la présentation de la Déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre Oussmane Sonko, tant attendue par les Sénégalais, avant de dissoudre l’Assemblée, dominée par l’ancienne majorité présidentielle.
Le président avait fixé à vendredi dernier la Déclaration de politique générale du Premier ministre, objet d’une profonde discorde avec l’Assemblée nationale. Cette dernière a été en effet dissoute sans que celle-ci ait lieu.
M. Faye a accusé l’Assemblée nationale d' »entraver la mise en oeuvre du projet sur la base duquel il a été élu » le 24 mars, justifiant sa décision par la volonté de ”demander au peuple souverain les moyens institutionnels” qui lui permettront ”de donner corps à la transformation systémique” qu’il avait ”promise”.
Selon les analystes, cette dissolution vise à donner à Bassirou Faye une majorité stable pour pouvoir gouverner tranquillement, sachant que la précédente législature, élue en 2022 et dominée par le camp de l’ancien président Macky Sall, lui était hostile.
« Je dissous l’Assemblée nationale pour demander au peuple souverain les moyens institutionnels qui me permettront de donner corps à la transformation systémique que je leur ai promise. Aujourd’hui plus que jamais l’heure est venue d’ouvrir une nouvelle temporalité à notre quinquennat », avait déclaré jeudi dernier le chef de l’Etat dans un message à la Nation.
En décidant de dissoudre l’Assemblée nationale en pleine session extraordinaire qu’il a lui-même convoquée et à la veille de la Déclaration de politique générale dont il a lui-même fixé la date, le Président de la République vient de commettre un « parjure », exécutant en cela, et de manière cynique, les instructions de son Premier ministre, affirme Abdou Mbow, Président du Groupe parlementaire BBY.
« Bloquer l’initiative de la motion de censure déposée par la majorité en usant de manière pernicieuse des dispositions de la Constitution l’habilitant à convoquer une session extraordinaire, avec un ordre du jour surchargé à dessein, fixer une date pour la déclaration de politique générale différente de celle proposée par la Conférence des Présidents et prononcer la dissolution la veille, relèvent simplement de l’indignité républicaine et de la petite politique », martèle-t-il.
Pour sa part, M. Sally Mamadou Thiam, responsable de l’Union des Centristes du Sénégal (UCS), considère que cette décision du chef de l’Etat renvoie « une mauvaise image du Sénégal ».
«Cette dissolution n’est pas une surprise. Ce qui me gêne, c’est acter la dissolution à la veille de la déclaration de politique générale du Premier ministre. C’est de la pure politique politicienne. Après avoir démissionné de son poste au sein de Pastef, il devrait se mettre au-dessus des contingences politiciennes», dit à la presse le coordonnateur du mouvement local Nouveau Sougui.
‘’Il devient urgent de constituer une alternative responsable face à ce gouvernement, et ceci dans l’intérêt unique du peuple sénégalais’’, a déclaré de son côté la présidente du mouvement Alternative pour la Relève Citoyenne (ARC), Anta Babacar Ngom.
Dans un communiqué publié sur le réseau social X, la candidate malheureuse à la dernière présidentielle du 24 mars appelle à une mobilisation pour imposer une cohabitation parlementaire au régime.
L’acte posé par le président Faye ‘’ouvre l’une des plus scabreuses pages de l’histoire institutionnelle du pays’’, a de son côté, dit le leader du mouvement Gueum Sa Bopp, appelant les forces vives de la nation à se mobiliser pour sauver le Sénégal face ‘’aux reniements et forfaitures’’.
Thierno Alassane Sall, responsable du mouvement politique, La République des valeurs dénonce un ‘’parjure du président de la République’’.
« Les Sénégalais veulent que le gouvernement prenne à bras le corps les urgences de ce pays et, le 17 novembre prochain, ils pourront choisir d’accorder ou non une majorité au régime actuel », a déclaré sur les réseaux sociaux, Ayib Daffé, président du groupe parlementaire qui soutient le président Bassirou Faye.
Le président du mouvement Tabax-Construire, Boubacar Camara, a pour sa part, salué la dissolution de l’institution parlementaire, évoquant ‘’une délivrance du peuple de l’emprise des soutiens de l’ancien président Macky Sall’’.
La majorité parlementaire était dans une posture de blocage pour empêcher au nouveau régime de travailler, a-t-il dit sur la télévision privée » 7TV », notant que le Sénégal doit aller vers une Assemblée nationale qui reflète les aspirations des populations.
Les divergences pouvoir/opposition ont entravé l’action gouvernementale depuis la prise de fonction des nouvelles autorités début avril 2024, sachant que le premier ministre Ousmane Sonko n’a pas encore prononcé de discours de politique générale devant l’Assemblée, malgré une menace de motion de censure déposée par le camp de l’ancien régime de Macky Sall.
L’Assemblée avait également rejeté début septembre un projet de dissolution de deux institutions consultatives, entraînant un bras de fer entre l’exécutif et la 14e législature. L’opposition estime que le nouveau pouvoir ne dispose pas de projet politique et dénonce une chasse aux sorcières qui cible des responsables de l’ancien régime de Macky Sall.
En attendant, les Sénégalais, qui ont élu Bassirou Dioamye Faye au premier tour le 24 mars 2024 sur la promesse de la rupture après trois années d’agitation et de crise politique, et après avoir voté lors des législatives de janvier 2022, vont retourner de nouveau aux urnes pour élire le 17 novembre les nouveaux députés de l’Assemblée nationale