Gourma Rharous, 15 juin (AMAP) « Alllabadja » est une spécialité culinaire que partagent toutes les communautés, dans le Nord du Mali, nomades comme sédentaires.
La confection de ce plat repose sur un rituel. Il est fait à base de riz du cru, de préférence, de viande de mouton ou de boeuf, rayée de strates de graisse et agrémentée de beurre de vache conditionné dans les règles de l’art.
Le riz est cuit dans l’eau, avec juste un soupçon de sel et la viande, en bouillon, tout aussi modérément salé. C’ est la première phase de préparation du plat. Cette tâche est généralement dévolue aux femmes. Quand la viande est cuite à point, on en prélève quelques filets gras destinés à être pilés dans un mortier jusqu’à les transformer en fines nervures de chair. Cette opération revient, aussi, aux femmes.
La dernière phase de préparation requiert de la force et de l’endurance. C’est à cette étape que les hommes entrent en jeu. Ce sont généralement des forgerons ou autres hommes de caste. Le riz cuit à point, est mis dans un grand bol en bois. Un homme robuste commence à le malaxer, à la force des muscles des deux bras, dans un mouvement giratoire, à l’aide d’une grosse louche en bois ou un petit pilon Le plat est tenu sur les deux bords par un autre homme qui, de façon intermittente, arrose la mixture de riz, avec de grosses louches de bouillon fait des filets prélevés, pilés et retournés dans une quantité raisonnable de jus de cuisson. Au fur et à mesure que l’opération se poursuit, le riz prend un aspect pâteux et moelleux, incrusté de fils de chair très fins.
Le plat est prêt. Miam miam !!! Il est servi dans des plats moyens en bois taillés dans des essences particulières qui donnent au contenu un parfum capiteux et gourmand. La pâte est tassée dans les plats avec un trou aménagé au milieu, qui servira à contenir le beurre de vache, « la cerise sur le gâteau » !
Tout autour de l’excavation, de gros morceaux de viande dégoulinant de graisse sont disposés. « Allabadja » se déguste avec des petites cuillères en bois finement ouvragés. Ce plat est accompagné par un thé nature légèrement corsé et de lait caillé ou frais coupé d’eau, selon les milieux.
En dehors du plaisir que cette spécialité gastronomique procure aux papilles gustatives, elle symbolise, aussi, l’art de l’hospitalité chez toutes les communautés dans le Nord du Mali. On le prépare, à l’occasion des fêtes religieuses, des réjouissances sociales ou pour accueillir et régaler un hôte de marque.
Ce plat, qui tient la première place dans la culture gastronomique des communautés dans le Nord de notre pays, est pourtant peu valorisé, lors des rencontres dédiées aux arts culinaires.
Par Mohamed GAKOU