De l’envoyée spéciale de l’APS : Fatou Kiné Sène
Dakar, 30 oct (APS) – Le film « Atlantique » de la Franco-Sénégalaise
Mati Diop, en lice à la trentième édition des Journées
cinématographiques de Carthage (JCC), est globalement apprécié du
public tunisien pour l’originalité de son approche, un constat qui
n’exclut pas certains avis plutôt partagés sur ce long métrage
traitant de la problématique de la migration.
L’universitaire tunisienne Insaf Ouhiba par exemple dit avoir aimé
dans ce film le « regard nouveau et original » qu’il apporte sur la
question de l’émigration.
« C’est un film qui parle de l’émigration de manière complètement
nouvelle et originale, ce qui donne de la valeur au film »,
analyse-t-elle.
Elle observe que les départs de l’Afrique vers l’Europe sont davantage
médiatisés, au détriment « d’une forme de retour qui est la mort, mais
de manière poétique », comme traité par « Atlantique », projeté lundi
soir aux JCC.
Selon Insaf Ouhiba, « Atlantique », qui concourt au « Tanit d’or » dans la
catégorie fiction long métrage, est « très artistique et a un langage
cinématographique très présent ».
« J’ai aimé et adoré les gros plans sur la mer tentante et attirante,
renvoyant ce qu’elle a pris, l’utilisation de la musique, on avait
l’impression que c’était l’appel des sirènes », souligne
l’universitaire tunisienne.
Elle considère que la réalisatrice franco-sénégalaise « a eu beaucoup
de chance » d’avoir remporté le ‘’Grand prix’’ du 72e Festival
international de Cannes en France, en mai dernier.
« Elle a eu beaucoup de chance d’avoir eu le grand prix parce qu’il y a
dans le même temps des films africains de grande qualité, mais qui
n’ont pas été sélectionnés à Cannes », souligne Insaf Ouhiba.
« C’est tant mieux » si le Grand Prix remporté par Mati Diop « inaugure
une nouvelle façon de voir le cinéma africain qui va avoir la
légitimité qu’il aurait dû avoir depuis des années », dit-elle.
D’autres cinéphiles et spécialistes louent les « belles images »
proposées par « Atlantique », »le background de la vie de la mer, cette
sensation d’être habité par les retours des personnes qui partent ».
« Par la force de l’amour, on arrive à transcender tous ces problèmes
et à se redonner vie », souligne par exemple une réalisatrice
tunisienne.
Deux jeunes hommes tunisiens interpelés ont quant à eux apprécié
différemment ce premier long métrage fiction de la nièce de Djibril
Diop Mambety.
L’un d’entre eux assure n’avoir pas « un avis tranché » sur le film,
avant d’ajouter qu’il n’a pas été « transcendé ».
« C’est un film que j’aurais pu voir chez moi sur Netflix, je trouve
que la mer, toute la spiritualité, le fantastique ne sont pas filmés
d’une nouvelle manière, j’avais l’impression de voir un film
d’horreur », souligne ce jeune cinéphile tunisien.
Il note toutefois que « certaines scènes, comme celui du camion tout au
début du film avec les chants », lui ont donné « un minimum de
sensation, car c’est comme une transe, j’ai été touché par cela ».
Son ami franco-tunisien se dit « surpris » par ce film qu’il a vu juste
par hasard, mais l’a aimé, confesse-t-il.
Mati Diop, la réalisatrice franco-sénégalaise n’a pas fait le
déplacement aux JCC, contrairement à son producteur Oumar Sall et
trois des acteurs du film (Mame Bineta Sané, Souleymane et Amadou
Mbow), tous à Tunis pour présenter « Atlantique ».
Selon Oumar Sall, c’est la première fois que le film participe à une
compétition panafricaine.
« Nous voulons juste marquer notre reconnaissance aux JCC qui est un
festival prestigieux et nous sommes d’autant plus heureux parce que
c’est la première compétition panafricaine du film et nous sommes très
heureux que cela se passe ici », a dit le producteur sénégalais,
directeur général de « Cinékap ».
Selon lui, la présence du film aux JCC était un choix de Néjib Ayed,
le défunt directeur des JCC, « c’est pourquoi, dit-il, les JCC sans
notre ami Néjib Ayed, n’est pas facile ».
« Atlantique » rend hommage à la jeunesse africaine décédée en mer, mais
également celle vivante et qui se bat au quotidien souvent dans un
contexte difficile.
Il fait dans le même temps un clin d’œil à l’histoire et à ‘’Thiaroye
44’’, du nom de cette banlieue dakaroise où des « tirailleurs
sénégalais » ont été massacrés par l’armée française.
Le long métrage de Mati Diop a été d’ailleurs tourné à Thiaroye.
FKS/BK/ASG